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Fabliau, Étage
Fabliau, Étage : La reine des neiges

La reine des neiges

  2006.03.16. 21:13

Hans Christian Andersen

PREMIERE HISTOIRE
QUI TRAITE D'UN MIROIR ET DE SES MORCEAUX

Voila ! Nous commençons. Lorsque nous serons a la fin de l'histoire, nous en saurons plus que maintenant, car c'était un bien méchant sorcier, un des plus mauvais, le «diable» en personne.
Un jour il était de fort bonne humeur : il avait fabriqué un miroir dont la particularité était que le Bien et le Beau en se réfléchissant en lui se réduisaient a presque rien, mais que tout ce qui ne valait rien, tout ce qui était mauvais, apparaissait nettement et empirait encore. Les plus beaux paysages y devenaient des épinards cuits et les plus jolies personnes y semblaient laides a faire peur, ou bien elles se tenaient sur la tete et n'avaient pas de ventre, les visages étaient si déformés qu'ils n'étaient pas reconnaissables, et si l'on avait une tache de rousseur, c'est toute la figure (le nez, la bouche) qui était criblée de son. Le diable trouvait ça tres amusant.
Lorsqu'une pensée bonne et pieuse passait dans le cerveau d'un homme, la glace ricanait et le sorcier riait de sa prodigieuse invention.
Tous ceux qui allaient a l'école des sorciers - car il avait créé une école de sorciers - racontaient a la ronde que c'est un miracle qu'il avait accompli la. Pour la premiere fois, disaient-ils, on voyait comment la terre et les etres humains sont réellement. Ils couraient de tous côtés avec leur miroir et bientôt il n'y eut pas un pays, pas une personne qui n'eussent été déformés la-dedans.
Alors, ces apprentis sorciers voulurent voler vers le ciel lui-meme, pour se moquer aussi des anges et de Notre-Seigneur. Plus ils volaient haut avec le miroir, plus ils ricanaient. C'est a peine s'ils pouvaient le tenir et ils volaient de plus en plus haut, de plus en plus pres de Dieu et des anges, alors le miroir se mit a trembler si fort dans leurs mains qu'il leur échappa et tomba dans une chute vertigineuse sur la terre ou il se brisa en mille morceaux, que dis-je, en des millions, des milliards de morceaux, et alors, ce miroir devint encore plus dangereux qu'auparavant. Certains morceaux n'étant pas plus grands qu'un grain de sable voltigeaient a travers le monde et si par malheur quelqu'un les recevait dans l'oil, le pauvre accidenté voyait les choses tout de travers ou bien ne voyait que ce qu'il y avait de mauvais en chaque chose, le plus petit morceau du miroir ayant conservé le meme pouvoir que le miroir tout entier. Quelques personnes eurent meme la malchance qu'un petit éclat leur sautât dans le cour et, alors, c'était affreux : leur cour devenait un bloc de glace. D'autres morceaux étaient, au contraire, si grands qu'on les employait pour faire des vitres, et il n'était pas bon dans ce cas de regarder ses amis a travers elles. D'autres petits bouts servirent a faire des lunettes, alors tout allait encore plus mal. Si quelqu'un les mettait pour bien voir et juger d'une chose en toute équité, le Malin riait a s'en faire éclater le ventre, ce qui le chatouillait agréablement.

Mais ce n'était pas fini comme ça. Dans l'air volaient encore quelques parcelles du miroir !

Ecoutez plutôt.

DEUXIEME HISTOIRE
UN PETIT GARÇON ET UNE PETITE FILLE

Dans une grande ville ou il y a tant de maisons et tant de monde qu'il ne reste pas assez de place pour que chaque famille puisse avoir son petit jardin, deux enfants pauvres avaient un petit jardin. Ils n'étaient pas frere et sour, mais s'aimaient autant que s'ils l'avaient été. Leurs parents habitaient juste en face les uns des autres, la ou le toit d'une maison touchait presque le toit de l'autre, séparés seulement par les gouttieres. Une petite fenetre s'ouvrait dans chaque maison, il suffisait d'enjamber les gouttieres pour passer d'un logement a l'autre. Les familles avaient chacune devant sa fenetre une grande caisse ou poussaient des herbes potageres dont elles se servaient dans la cuisine, et dans chaque caisse poussait aussi un rosier qui se développait admirablement. Un jour, les parents eurent l'idée de placer les caisses en travers des gouttieres de sorte qu'elles se rejoignaient presque d'une fenetre a l'autre et formaient un jardin miniature. Les tiges de pois pendaient autour des caisses et les branches des rosiers grimpaient autour des fenetres, se penchaient les unes vers les autres, un vrai petit arc de triomphe de verdure et de fleurs. Comme les caisses étaient placées tres haut, les enfants savaient qu'ils n'avaient pas le droit d'y grimper seuls, mais on leur permettait souvent d'aller l'un vers l'autre, de s'asseoir chacun sur leur petit tabouret sous les roses, et ils ne jouaient nulle part mieux que la. L'hiver, ce plaisir-la était fini. Les vitres étaient couvertes de givre, mais alors chaque enfant faisait chauffer sur le poele une piece de cuivre et la plaçait un instant sur la vitre gelée. Il se formait un petit trou tout rond a travers lequel épiait a chaque fenetre un petit oil tres doux, celui du petit garçon d'un côté, celui de la petite fille de l'autre. Lui s'appelait Kay et elle Gerda.
L'été, ils pouvaient d'un bond venir l'un chez l'autre ; l'hiver il fallait d'abord descendre les nombreux étages d'un côté et les remonter ensuite de l'autre. Dehors, la neige tourbillonnait.
- Ce sont les abeilles blanches qui papillonnent, disait la grand-mere.
- Est-ce qu'elles ont aussi une reine ? demanda le petit garçon.
- Mais bien sur, dit grand-mere. Elle vole la ou les abeilles sont les plus serrées, c'est la plus grande de toutes et elle ne reste jamais sur la terre, elle remonte dans les nuages noirs.
- Nous avons vu ça bien souvent, dirent les enfants.
Et ainsi ils surent que c'était vrai.
- Est-ce que la Reine des Neiges peut entrer ici ? demanda la petite fille.
- Elle n'a qu'a venir, dit le petit garçon, je la mettrai sur le poele brulant et elle fondra aussitôt.
Le soir, le petit Kay, a moitié déshabillé, grimpa sur une chaise pres de la fenetre et regarda par le trou d'observation. Quelques flocons de neige tombaient au-dehors et l'un de ceux-ci, le plus grand, atterrit sur le rebord d'une des caisses de fleurs. Ce flocon grandit peu a peu et finit par devenir une dame vetue du plus fin voile blanc fait de millions de flocons en forme d'étoiles. Elle était belle, si belle, faite de glace aveuglante et scintillante et cependant vivante. Ses yeux étincelaient comme deux étoiles, mais il n'y avait en eux ni calme ni repos. Elle fit vers la fenetre un signe de la tete et de la main. Le petit garçon, tout effrayé, sauta a bas de la chaise, il lui sembla alors qu'un grand oiseau, au- dehors, passait en plein vol devant la fenetre.
Le lendemain fut un jour de froid clair, puis vint le dégel et le printemps.
Cet été-la les roses fleurirent magnifiquement, Gerda avait appris un psaume ou l'on parlait des roses, cela lui faisait penser a ses propres roses et elle chanta cet air au petit garçon qui lui-meme chanta avec elle :

Les roses poussent dans les vallées ou l'enfant Jésus vient nous parler.

Les deux enfants se tenaient par la main, ils baisaient les roses, admiraient les clairs rayons du soleil de Dieu et leur parlaient comme si Jésus était la. Quels beaux jours d'été ou il était si agréable d'etre dehors sous les frais rosiers qui semblaient ne vouloir jamais cesser de donner des fleurs !
Kay et Gerda étaient assis a regarder le livre d'images plein de betes et d'oiseaux - l'horloge sonnait cinq heures a la tour de l'église - quand brusquement Kay s'écria :
- Aie, quelque chose m'a piqué au cour et une poussiere m'est entrée dans l'oil. La petite le prit par le cou, il cligna des yeux, non, on ne voyait rien.
- Je crois que c'est parti, dit-il.
Mais ce ne l'était pas du tout ! C'était un de ces éclats du miroir ensorcelé dont nous nous souvenons, cet affreux miroir qui faisait que tout ce qui était grand et beau, réfléchi en lui, devenait petit et laid, tandis que le mal et le vil, le défaut de la moindre chose prenait une importance et une netteté accrues.
Le pauvre Kay avait aussi reçu un éclat juste dans le cour qui serait bientôt froid comme un bloc de glace. Il ne sentait aucune douleur, mais le mal était fait.
- Pourquoi pleures-tu ? cria-t-il, tu es laide quand tu pleures, est-ce que je me plains de quelque chose ? Oh! cette rose est dévorée par un ver et regarde celle-la qui pousse tout de travers, au fond ces roses sont tres laides.
Il donnait des coups de pied dans la caisse et arrachait les roses.
- Kay, qu'est-ce que tu fais ? cria la petite.
Et lorsqu'il vit son effroi, il arracha encore une rose et rentra vite par sa fenetre, laissant la la charmante petite Gerda.
Quand par la suite elle apportait le livre d'images, il déclarait qu'il était tout juste bon pour les bébés et si grand-mere gentiment racontait des histoires, il avait toujours a redire, parfois il marchait derriere elle, mettait des lunettes et imitait, a la perfection du reste, sa maniere de parler ; les gens en riaient.
Bientôt il commença a parler et a marcher comme tous les gens de sa rue pour se moquer d'eux.
On se mit a dire : « Il est intelligent ce garçon-la ! » Mais c'était la poussiere du miroir qu'il avait reçue dans l'oil, l'éclat qui s'était fiché dans son cour qui étaient la cause de sa transformation et de ce qu'il taquinait la petite Gerda, laquelle l'aimait de toute son âme.
Ses jeux changerent completement, ils devinrent beaucoup plus réfléchis. Un jour d'hiver, comme la neige tourbillonnait au-dehors, il apporta une grande loupe, étala sa veste bleue et laissa la neige tomber dessus.
- Regarde dans la loupe, Gerda, dit-il.
Chaque flocon devenait immense et ressemblait a une fleur splendide ou a une étoile a dix côtés.
- Comme c'est curieux, bien plus intéressant qu'une véritable fleur, ici il n'y a aucun défaut, ce seraient des fleurs parfaites - si elles ne fondaient pas.
Peu apres Kay arriva portant de gros gants, il avait son traîneau sur le dos, il cria aux oreilles de Gerda :
- J'ai la permission de faire du traîneau sur la grande place ou les autres jouent ! Et le voila parti.
Sur la place, les garçons les plus hardis attachaient souvent leur traîneau a la voiture d'un paysan et se faisaient ainsi traîner un bon bout de chemin. C'était tres amusant. Au milieu du jeu ce jour-la arriva un grand traîneau peint en blanc dans lequel était assise une personne enveloppée d'un manteau de fourrure blanc avec un bonnet blanc également. Ce traîneau fit deux fois le tour de la place et Kay put y accrocher rapidement son petit traîneau.
Dans la rue suivante, ils allaient de plus en plus vite. La personne qui conduisait tournait la tete, faisait un signe amical a Kay comme si elle le connaissait. Chaque fois que Kay voulait détacher son petit traîneau, cette personne faisait un signe et Kay ne bougeait plus ; ils furent bientôt aux portes de la ville, les dépasserent meme.
Alors la neige se mit a tomber si fort que le petit garçon ne voyait plus rien devant lui, dans cette course folle, il saisit la corde qui l'attachait au grand traîneau pour se dégager, mais rien n'y fit. Son petit traîneau était solidement fixé et menait un train d'enfer derriere le grand. Alors il se mit a crier tres fort mais personne ne l'entendit, la neige le cinglait, le traîneau volait, parfois il faisait un bond comme s'il sautait par-dessus des fossés et des mottes de terre. Kay était épouvanté, il voulait dire sa priere et seule sa table de multiplication lui venait a l'esprit.
Les flocons de neige devenaient de plus en plus grands, a la fin on eut dit de véritables maisons blanches ; le grand traîneau fit un écart puis s'arreta et la personne qui le conduisait se leva, son manteau et son bonnet n'étaient faits que de neige et elle était une dame si grande et si mince, étincelante : la Reine des Neiges.
- Nous en avons fait du chemin, dit-elle, mais tu es glacé, viens dans ma peau d'ours.
Elle le prit pres d'elle dans le grand traîneau, l'enveloppa du manteau. Il semblait a l'enfant tomber dans des gouffres de neige.
- As-tu encore froid ? demanda-t-elle en l'embrassant sur le front.
Son baiser était plus glacé que la glace et lui pénétra jusqu'au cour déja a demi glacé. Il crut mourir, un instant seulement, apres il se sentit bien, il ne remarquait plus le froid.
«Mon traîneau, n'oublie pas mon traîneau.» C'est la derniere chose dont se souvint le petit garçon.
Le traîneau fut attaché a une poule blanche qui vola derriere eux en le portant sur son dos. La Reine des Neiges posa encore une fois un baiser sur le front de Kay, alors il sombra dans l'oubli total, il avait oublié Gerda, la grand-mere et tout le monde a la maison.
- Tu n'auras pas d'autre baiser, dit-elle, car tu en mourrais.
Kay la regarda. Qu'elle était belle, il ne pouvait s'imaginer visage plus intelligent, plus charmant, elle ne lui semblait plus du tout de glace comme le jour ou il l'avait aperçue de la fenetre et ou elle lui avait fait des signes d'amitié ! A ses yeux elle était aujourd'hui la perfection, il n'avait plus du tout peur, il lui raconta qu'il savait calculer de tete, meme avec des chiffres décimaux, qu'il connaissait la superficie du pays et le nombre de ses habitants. Elle lui souriait ... Alors il sembla a l'enfant qu'il ne savait au fond que peu de chose et ses yeux s'éleverent vers l'immensité de l'espace. La reine l'entraînait de plus en plus haut. Ils volerent par-dessus les forets et les océans, les jardins et les pays. Au-dessous d'eux le vent glacé sifflait, les loups hurlaient, la neige étincelait, les corbeaux croassaient, mais tout en haut brillait la lune, si grande et si claire. Au matin, il dormait aux pieds de la Reine des Neiges.

TROISIEME HISTOIRE
LE JARDIN DE LA MAGICIENNE

Mais que disait la petite Gerda, maintenant que Kay n'était plus la ? Ou était-il ? Personne ne le savait, personne ne pouvait expliquer sa disparition. Les garçons savaient seulement qu'ils l'avaient vu attacher son petit traîneau a un autre, tres grand, qui avait tourné dans la rue et était sorti de la ville. Nul ne savait ou il était, on versa des larmes, la petite Gerda pleura beaucoup et longtemps, ensuite on dit qu'il était mort, qu'il était tombé dans la riviere coulant pres de la ville. Les jours de cet hiver-la furent longs et sombres.
Enfin vint le printemps et le soleil.
- Kay est mort et disparu, disait la petite Gerda.
- Nous ne le croyons pas, répondaient les rayons du soleil.
- Il est mort et disparu, dit-elle aux hirondelles.
- Nous ne le croyons pas, répondaient-elles.
A la fin la petite Gerda ne le croyait pas non plus.
- Je vais mettre mes nouveaux souliers rouges, dit-elle un matin, ceux que Kay n'a jamais vus et je vais aller jusqu'a la riviere l'interroger.
Il était de bonne heure, elle embrassa sa grand-mere qui dormait, mit ses souliers rouges et toute seule sortit par la porte de la ville, vers le fleuve.
- Est-il vrai que tu m'as pris mon petit camarade de jeu ? Je te ferai cadeau de mes souliers rouges si tu me le rends.
Il lui sembla que les vagues lui faisaient signe, alors elle enleva ses souliers rouges, ceux auxquels elle tenait le plus, et les jeta tous les deux dans l'eau, mais ils tomberent tout pres du bord et les vagues les repousserent tout de suite vers elle, comme si la riviere ne voulait pas les accepter, puisqu'elle n'avait pas pris le petit Kay. Gerda crut qu'elle n'avait pas lancé les souliers assez loin, alors elle grimpa dans un bateau qui était la entre les roseaux, elle alla jusqu'au bout du bateau et jeta de nouveau ses souliers dans l'eau. Par malheur le bateau n'était pas attaché et dans le mouvement qu'elle fit il s'éloigna de la rive, elle s'en aperçut aussitôt et voulut retourner a terre, mais avant qu'elle n'y eut réussi, il était déja loin sur l'eau et il s'éloignait de plus en plus vite.
Alors la petite Gerda fut prise d'une grande frayeur et se mit a pleurer, mais personne ne pouvait l'entendre, excepté les moineaux, et ils ne pouvaient pas la porter, ils volaient seulement le long de la rive, en chantant comme pour la consoler : " Nous voici ! Nous voici ! " Le bateau s'en allait a la dérive, la pauvre petite était la tout immobile sur ses bas, les petits souliers rouges flottaient derriere mais ne pouvaient atteindre la barque qui allait plus vite.
« Peut-etre la riviere va-t-elle m'emporter aupres de Kay », pensa Gerda en reprenant courage. Elle se leva et durant des heures admira la beauté des rives verdoyantes. Elle arriva ainsi a un grand champ de cerisiers ou se trouvait une petite maison avec de drôles de fenetres rouges et bleues et un toit de chaume. Devant elle, deux soldats de bois présentaient les armes a ceux qui passaient. Gerda les appela croyant qu'ils étaient vivants, mais naturellement ils ne répondirent pas, elle les approcha de tout pres et le flot poussa la barque droit vers la terre.
Gerda appela encore plus fort, alors sortit de la maison une vieille, vieille femme qui s'appuyait sur un bâton a crochet, elle portait un grand chapeau de soleil orné de ravissantes fleurs peintes.
- Pauvre petite enfant, dit la vieille, comment es-tu venue sur ce fort courant qui t'emporte loin dans le vaste monde ?
La vieille femme entra dans l'eau, accrocha le bateau avec le crochet de son bâton, le tira a la rive et en fit sortir la petite fille.
Gerda était bien contente de toucher le sol sec mais un peu effrayée par cette vieille femme inconnue.
- Viens me raconter qui tu es et comment tu es ici, disait-elle.
La petite lui expliqua tout et la vieille branlait la tete en faisant Hm ! Hm ! et comme Gerda, lui ayant tout dit, lui demandait si elle n'avait pas vu le petit Kay, la femme lui répondit qu'il n'avait pas passé encore, mais qu'il allait sans doute venir, qu'il ne fallait en tout cas pas qu'elle s'en attriste mais qu'elle entre gouter ses confitures de cerises, admirer ses fleurs plus belles que celles d'un livre d'images ; chacune d'elles savait raconter une histoire.
Alors elle prit Gerda par la main et elles entrerent dans la petite maison dont la vieille femme ferma la porte.
Les fenetres étaient situées tres haut et les vitres en étaient rouges, bleues et jaunes, la lumiere du jour y prenait des teintes étranges mais sur la table il y avait de délicieuses cerises, Gerda en mangea autant qu'il lui plut. Tandis qu'elle mangeait, la vieille peignait sa chevelure avec un peigne d'or et ses cheveux blonds bouclaient et brillaient autour de son aimable petit visage, tout rond, semblable a une rose.
- J'avais tant envie d'avoir une si jolie petite fille, dit la vieille, tu vas voir comme nous allons bien nous entendre !
A mesure qu'elle peignait les cheveux de Gerda, la petite oubliait de plus en plus son camarade de jeu, car la vieille était une magicienne, mais pas une méchante sorciere, elle s'occupait un peu de magie, comme ça, seulement pour son plaisir personnel et elle avait tres envie de garder la petite fille aupres d'elle.
C'est pourquoi elle sortit dans le jardin, tendit sa canne a crochet vers tous les rosiers et, quoique chargés des fleurs les plus ravissantes, ils disparurent dans la terre noire, on ne voyait meme plus ou ils avaient été. La vieille femme avait peur que Gerda, en voyant les roses, ne vint a se souvenir de son rosier a elle, de son petit camarade Kay et qu'elle ne s'enfuie.
Ensuite, elle conduisit Gerda dans le jardin fleuri. Oh ! quel parfum délicieux ! Toutes les fleurs et les fleurs de toutes les saisons étaient la dans leur plus belle floraison, nul livre d'images n'aurait pu etre plus varié et plus beau. Gerda sauta de plaisir et joua jusqu'au moment ou le soleil descendit derriere les grands cerisiers. Alors on la mit dans un lit délicieux garni d'édredons de soie rouge bourrés de violettes bleues, et elle dormit et reva comme une princesse au jour de ses noces.
Le lendemain elle joua encore parmi les fleurs, dans le soleil - et les jours passerent. Gerda connaissait toutes les fleurs par leur nom, il y en avait tant et tant et cependant il lui semblait qu'il en manquait une, laquelle ? Elle ne le savait pas.
Un jour elle était la, assise, et regardait le chapeau de soleil de la vieille femme avec les fleurs peintes ou justement la plus belle fleur était une rose. La sorciere avait tout a fait oublié de la faire disparaître de son chapeau en meme temps qu'elle faisait descendre dans la terre les vraies roses . On ne pense jamais a tout !
- Comment, s'écria Gerda, il n'y pas une seule rose ici ? Elle sauta au milieu de tous les parterres, chercha et chercha, mais n'en trouva aucune. Alors elle s'assit sur le sol et pleura, mais ses chaudes larmes tomberent précisément a un endroit ou un rosier s'était enfoncé, et lorsque les larmes mouillerent la terre, l'arbre reparut soudain plus magnifiquement fleuri qu'auparavant. Gerda l'entoura de ses bras et pensa tout d'un coup a ses propres roses de chez elle et a son petit ami Kay.
- Oh comme on m'a retardée, dit la petite fille. Et je devais chercher Kay ! Ne savez-vous pas ou il est ? demanda-t-elle aux roses. Croyez-vous vraiment qu'il soit mort et disparu ?
- Non, il n'est pas mort, répondirent les roses, nous avons été sous la terre, tous les morts y sont et Kay n'y était pas !
- Merci, merci a vous, dit Gerda allant vers les autres fleurs. Elle regarda dans leur calice en demandant :
- Ne savez-vous pas ou se trouve le petit Kay ?
Mais chaque fleur debout au soleil revait sa propre histoire, Gerda en entendit tant et tant, aucune ne parlait de Kay.
Mais que disait donc le lis rouge ?
- Entends-tu le tambour : Boum ! boum ! deux notes seulement, boum ! boum ! écoute le chant de deuil des femmes, l'appel du pretre. Dans son long sari rouge, la femme hindoue est debout sur le bucher, les flammes montent autour d'elle et de son époux défunt, mais la femme hindoue pense a l'homme qui est vivant dans la foule autour d'elle, a celui dont les yeux brulent, plus ardents que les flammes, celui dont le regard touche son cour plus que cet incendie qui bientôt réduira son corps en cendres. La flamme du cour peut-elle mourir dans les flammes du bucher ?
- Je n'y comprends rien du tout, dit la petite Gerda.
- C'est la mon histoire, dit le lis rouge.
Et que disait le liseron ?
- La-bas, au bout de l'étroit sentier de montagne est suspendu un vieux castel, le lierre épais pousse sur les murs rongés, feuille contre feuille, jusqu'au balcon ou se tient une ravissante jeune fille. Elle se penche sur la balustrade et regarde au loin sur le chemin. Aucune rose dans le branchage n'est plus fraîche que cette jeune fille, aucune fleur de pommier que le vent arrache a l'arbre et emporte au loin n'est plus légere. Dans le froufrou de sa robe de soie, elle s'agite : «Ne vient-il pas ?».
- Est-ce de Kay que tu parles ? demanda Gerda.
- Je ne parle que de ma propre histoire, de mon reve, répondit le liseron.
Mais que dit le petit perce-neige ?
- Dans les arbres, cette longue planche suspendue par deux cordes, c'est une balançoire. Deux délicieuses petites filles - les robes sont blanches, de longs rubans verts flottent a leurs chapeaux - y sont assises et se balancent. Le frere, plus grand qu'elles, se met debout sur la balançoire, il passe un bras autour de la corde pour se tenir, il tient d'une main une petite coupe, de l'autre une pipe d'écume et il fait des bulles de savon. La balançoire va et vient, les bulles de savon aux teintes irisées s'envolent, la derniere tient encore a la pipe et se penche dans la brise. La balançoire va et vient. Le petit chien noir aussi léger que les bulles de savon se dresse sur ses pattes de derriere et veut aussi monter, mais la balançoire vole, le chien tombe, il aboie, il est furieux, on rit de lui, les bulles éclatent. Voila ! une planche qui se balance, une écume qui se brise, voila ma chanson ...
- C'est peut-etre tres joli ce que tu dis la, mais tu le dis tristement et tu ne parles pas de Kay.
Que dit la jacinthe ?
- Il y avait trois sours délicieuses, transparentes et délicates, la robe de la premiere était rouge, celle de la seconde bleue, celle de la troisieme toute blanche. Elles dansaient en se tenant par la main pres du lac si calme, au clair de lune. Elles n'étaient pas filles des elfes mais bien enfants des hommes. L'air embaumait d'un exquis parfum, les jeunes filles disparurent dans la foret. Le parfum devenait de plus en plus fort - trois cercueils ou étaient couchées les ravissantes filles glissaient d'un fourré de la foret dans le lac, les vers luisants volaient autour comme de petites lumieres flottantes. Dormaient-elles ces belles filles ? Etaient-elles mortes ? Le parfum des fleurs dit qu'elles sont mortes, les cloches sonnent pour les défuntes.
- Tu me rends malheureuse, dit la petite Gerda. Tu as un si fort parfum, qui me fait penser a ces pauvres filles. Hélas ! le petit Kay est-il vraiment mort ? Les roses qui ont été sous la terre me disent que non.
- Ding ! Dong ! sonnerent les clochettes des jacinthes. Nous ne sonnons pas pour le petit Kay, nous ne le connaissons pas. Nous chantons notre chanson, c'est la seule que nous sachions.
Gerda se tourna alors vers le bouton d'or qui brillait parmi les feuilles vertes, luisant.
- Tu es un vrai petit soleil ! lui dit Gerda. Dis-moi si tu sais ou je trouverai mon camarade de jeu ?
Le bouton d'or brillait tant qu'il pouvait et regardait aussi la petite fille. Mais quelle chanson savait-il ? On n'y parlait pas non plus de Kay :
- Dans une petite ferme, le soleil brillait au premier jour du printemps, ses rayons frappaient le bas du mur blanc du voisin, et tout pres poussaient les premieres fleurs jaunes, or lumineux dans ces chauds rayons. Grand-mere était assise dehors dans son fauteuil, sa petite fille, la pauvre et jolie servante rentrait d'une courte visite, elle embrassa la grand-mere. Il y avait de l'or du cour dans ce baiser béni. De l'or sur les levres, de l'or au fond de l'etre, de l'or dans les claires heures du matin. Voila ma petite histoire, dit le bouton d'or.
- Ma pauvre vieille grand-mere, soupira Gerda. Elle me regrette surement et elle s'inquiete comme elle s'inquiétait pour Kay. Mais je rentrerai bientôt et je ramenerai Kay. Cela ne sert a rien que j'interroge les fleurs, elles ne connaissent que leur propre chanson, elles ne savent pas me renseigner.
Elle retroussa sa petite robe pour pouvoir courir plus vite, mais le narcisse lui fit un croc-en-jambe au moment ou elle sautait par-dessus lui. Alors elle s'arreta, regarda la haute fleur et demanda :
- Sais-tu par hasard quelque chose ?
Elle se pencha tres bas pour etre pres de lui. Et que dit-il ?
- Je me vois moi- meme, je me vois moi-meme ! Oh! Oh! quel parfum je répands ! La-haut dans la mansarde, a demi vetue, se tient une petite danseuse, tantôt sur une jambe, tantôt sur les deux, elle envoie promener le monde entier de son pied, au fond elle n'est qu'une illusion visuelle, pure imagination. Elle verse l'eau de la théiere sur un morceau d'étoffe qu'elle tient a la main, c'est son corselet - la propreté est une bonne chose - la robe blanche est suspendue a la patere, elle a aussi été lavée dans la théiere et séchée sur le toit. Elle met la robe et un fichu jaune safran autour du cou pour que la robe paraisse plus blanche. La jambe en l'air ! dressée sur une longue tige, c'est moi, je me vois moi-meme.
- Mais je m'en moque, cria Gerda, pourquoi me raconter cela ?
Elle courut au bout du jardin. La porte était fermée, mais elle remua la charniere rouillée qui céda, la porte s'ouvrit. Alors la petite Gerda, sans chaussures, s'élança sur ses bas dans le monde.
Elle se retourna trois fois, mais personne ne la suivait ; a la fin, lasse de courir, elle s'assit sur une grande pierre. Lorsqu'elle regarda autour d'elle, elle vit que l'été était passé, on était tres avancé dans l'automne, ce qu'on ne remarquait pas du tout dans le jardin enchanté ou il y avait toujours du soleil et toutes les fleurs de toutes les saisons.
- Mon Dieu que j'ai perdu de temps ! s'écria la petite Gerda. Voila que nous sommes en automne, je n'ai pas le droit de me reposer.
Elle se leva et repartit.
Comme ses petits pieds étaient endoloris et fatigués ! Autour d'elle tout était froid et hostile, les longues feuilles du saule étaient toutes jaunes et le brouillard s'égouttait d'elles, une feuille apres l'autre tombait a terre, seul le prunellier avait des fruits âcres a vous en resserrer toutes les gencives. Oh ! que tout était gris et lourd dans le vaste monde !

QUATRIEME HISTOIRE
PRINCE ET PRINCESSE

Encore une fois, Gerda dut se reposer, elle s'assit. Alors sur la neige une corneille sautilla aupres d'elle, une grande corneille qui la regardait depuis un bon moment en secouant la tete. Elle fit Kra ! Kra ! bonjour, bonjour. Elle ne savait dire mieux, mais avait d'excellentes intentions. Elle demanda a la petite fille ou elle allait ainsi, toute seule, a travers le monde.
Le mot seule, Gerda le comprit fort bien, elle sentait mieux que quiconque tout ce qu'il pouvait contenir, elle raconta toute sa vie a la corneille et lui demanda si elle n'avait pas vu Kay.
La corneille hochait la tete et semblait réfléchir.
- Mais, peut-etre bien, ça se peut ...
- Vraiment ! tu le crois ? cria la petite fille.
Elle aurait presque tué la corneille tant elle l'embrassait.
- Doucement, doucement, fit la corneille. Je crois que ce pourrait bien etre Kay, mais il t'a sans doute oubliée pour la princesse.
- Est-ce qu'il habite chez une princesse ? demanda Gerda.
- Oui, écoute, mais je m'exprime si mal dans ta langue. Si tu comprenais le parler des corneilles, ce me serait plus facile.
- Non, ça je ne l'ai pas appris, dit Gerda, mais grand-mere le savait, elle savait tout. Si seulement je l'avais appris !
- Ça ne fait rien, je raconterai comme je pourrai, tres mal surement.
Et elle se mit a raconter.
Dans ce royaume ou nous sommes, habite une princesse d'une intelligence extraordinaire.
L'autre jour qu'elle était assise sur le trône - ce n'est pas si amusant d'apres ce qu'on dit - elle se mit a fredonner «Pourquoi ne pas me marier ?»
- Tiens, ça me donne une idée ! s'écria-t-elle. Et elle eut envie de se marier, mais elle voulait un mari capable de répondre avec esprit quand on lui parlait de toutes choses.
- Chaque mot que je dis est la pure vérité, interrompit la corneille. J'ai une fiancée qui est apprivoisée et se promene librement dans le château, c'est elle qui m'a tout raconté.
Sa fiancée était naturellement aussi une corneille, car une corneille mâle cherche toujours une fiancée de son espece.
Tout de suite les journaux parurent avec une bordure de cours et l'initiale de la princesse. On y lisait que tout jeune homme de bonne apparence pouvait monter au château et parler a la princesse, et celui qui parlerait de façon que l'on comprenne tout de suite qu'il était bien a sa place dans un château, que celui enfin qui parlerait le mieux, la princesse le prendrait pour époux.
- Oui ! oui ! tu peux m'en croire, c'est aussi vrai que me voila, dit la corneille, les gens accouraient, quelle foule, quelle presse, mais sans succes le premier, ni le second jour. Ils parlaient tous tres facilement dans la rue, mais quand ils avaient dépassé les grilles du palais, vu les gardes en uniforme brodé d'argent, les laquais en livrée d'or sur les escaliers et les grands salons illuminés, ils étaient tout déconcertés, ils se tenaient devant le trône ou la princesse était assise et ne savaient que dire sinon répéter le dernier mot qu'elle avait prononcé, et ça elle ne se souciait nullement de l'entendre répéter. On aurait dit que tous ces prétendants étaient tombés en léthargie - jusqu'a ce qu'ils se retrouvent dehors, dans la rue, alors ils retrouvaient la parole. Il y avait queue depuis les portes de la ville jusqu'au château, affirma la corneille. Quand ils arrivaient au château, on ne leur offrait meme pas un verre d'eau.
Les plus avisés avaient bien apporté des tartines mais ils ne partageaient pas avec leurs voisins, ils pensaient :
«S'il a l'air affamé, la princesse ne le prendra pas. »
- Mais Kay, mon petit Kay,quand m'en parleras-tu ? Etait-il parmi tous ces gens-la? - Patience ! patience ! nous y sommes. Le troisieme jour arriva un petit personnage sans cheval ni voiture, il monta d'un pas décidé jusqu'au château, ses yeux brillaient comme les tiens, il avait de beaux cheveux longs, mais ses vetements étaient bien pauvres.
- C'était Kay, jubila Gerda. Enfin je l'ai trouvé.
Et elle battit des mains.
- Il avait un petit sac sur le dos, dit la corneille.
- Non, c'était surement son traîneau, dit Gerda, il était parti avec.
- Possible, répondit la corneille, je n'y ai pas regardé de si pres, mais ma fiancée apprivoisée m'a dit que lorsqu'il entra par le grand portail, qu'il vit les gardes en uniforme brodé d'argent, les laquais des escaliers vetus d'or, il ne fut pas du tout intimidé, il les salua, disant :
- Comme ce doit etre ennuyeux de rester sur l'escalier, j'aime mieux entrer. Les salons étaient brillamment illuminés, les Conseillers particuliers et les Excellences marchaient pieds nus et portaient des plats en or, c'était quelque chose de tres imposant. Il avait des souliers qui craquaient tres fort, mais il ne se laissa pas impressionner.
- C'est surement Kay, dit Gerda, je sais qu'il avait des souliers neufs et je les entendais craquer dans la chambre de grand-maman.
Mais plein d'assurance, il s'avança jusque devant la princesse qui était assise sur une perle grande comme une roue de rouet.
Toutes les dames de la cour avec leurs servantes et les servantes de leurs servantes, et tous les chevaliers avec leurs serviteurs et les serviteurs de leurs serviteurs qui eux-memes avaient droit a un petit valet, se tenaient debout tout autour et plus ils étaient pres de la porte, plus ils avaient l'air fier. Le valet du domestique du premier serviteur qui se promene toujours en pantoufles, on ose a peine le regarder tellement il a l'air fier debout devant la porte.
- Mais est-ce que Kay a tout de meme eu la princesse ?
- Si je n'étais pas corneille, je l'aurais prise. Il était décidé et charmant, il n'était pas venu en prétendant mais seulement pour juger de l'intelligence de la princesse et il la trouva remarquable ... et elle le trouva tres bien aussi.
- C'était lui, c'était Kay, s'écria Gerda, il était si intelligent, il savait calculer de tete meme avec les chiffres décimaux. Oh ! conduis-moi au château ...
- C'est vite dit, répartit la corneille, mais comment ? J'en parlerai a ma fiancée apprivoisée, elle saura nous conseiller car il faut bien que je te dise qu'une petite fille comme toi ne peut pas entrer la régulierement.
- Si, j'irai, dit Gerda. Quand Kay entendra que je suis la il sortira tout de suite pour venir me chercher.
- Attends-moi la pres de l'escalier.
Elle secoua la tete et s'envola.
Il faisait nuit lorsque la corneille revint.
- Kra ! Kra ! fit-elle. Ma fiancée te fait dire mille choses et voici pour toi un petit pain qu'elle a pris a la cuisine. Ils ont assez de pain la-dedans et tu dois avoir faim. Il est impossible que tu entres au château - tu n'as pas de chaussures - les gardes en argent et les laquais en or ne le permettraient pas, mais ne pleure pas, tu vas tout de meme y aller. Ma fiancée connaît un petit escalier dérobé qui conduit a la chambre a coucher et elle sait ou elle peut en prendre la clé.
Alors la corneille et Gerda s'en allerent dans le jardin, dans les grandes allées ou les feuilles tombaient l'une apres l'autre, puis au château ou les lumieres s'éteignaient l'une apres l'autre et la corneille conduisit Gerda jusqu'a une petite porte de derriere qui était entrebâillée.
Oh ! comme le cour de Gerda battait d'inquiétude et de désir, comme si elle faisait quelque chose de mal, et pourtant elle voulait seulement savoir s'il s'agissait bien de Kay - oui, ce ne pouvait etre que lui, elle pensait si intensément a ses yeux intelligents, a ses longs cheveux, elle le voyait vraiment sourire comme lorsqu'ils étaient a la maison sous les roses. Il serait surement content de la voir, de savoir quel long chemin elle avait fait pour le trouver.
Les voila dans l'escalier ou brulait une petite lampe sur un buffet ; au milieu du parquet se tenait la corneille apprivoisée qui tournait la tete de tous les côtés et considérait Gerda, laquelle fit une révérence comme grand-mere le lui avait appris.
- Mon fiancé m'a dit tant de bien de vous, ma petite demoiselle, dit la corneille apprivoisée, du reste votre curriculum vitae, comme on dit, est si touchant. Voulez-vous tenir la lampe, je marcherai devant. Nous irons tout droit, ici nous ne rencontrerons personne.
- Il me semble que quelqu'un marche juste derriere nous, dit Gerda. Quelque chose passa pres d'elle en bruissant, sur les murs glissaient des ombres : chevaux aux crinieres flottantes et aux jambes fines, jeunes chasseurs, cavaliers et cavalieres.
- Reves que tout cela, dit la corneille. Ils viennent seulement orienter vers la chasse les reves de nos princes, nous pourrons d'autant mieux les contempler dans leur lit. Mais autre chose : si vous entrez en grâce et prenez de l'importance ici, vous montrerez-vous reconnaissante ?
- Ne parlons pas de ça, dit la corneille de la foret.
Ils entrerent dans la premiere salle tendue de satin rose a grandes fleurs, les reves les avaient dépassés et couraient si vite que Gerda ne put apercevoir les hauts personnages. Les salles se succédaient l'une plus belle que l'autre, on en était impressionné ... et ils arriverent a la chambre a coucher.
Le plafond ressemblait a un grand palmier aux feuilles de verre précieux, et au milieu du parquet se trouvaient, accrochés a une tige d'or, deux lits qui ressemblaient a des lis, l'un était blanc et la princesse y était couchée, l'autre était rouge et c'est dans celui-la que Gerda devait chercher le petit Kay. Elle écarta quelques pétales rouges et aperçut une nuque brune.
- Oh ! c'est Kay ! cria-t-elle tout haut en élevant la lampe vers lui.
Les reves a cheval bruissaient dans la chambre. Il s'éveilla, tourna la tete vers elle - et ce n'était pas le petit Kay ...
Le prince ne lui ressemblait que par la nuque mais il était jeune et beau.
Alors la petite Gerda se mit a pleurer, elle raconta toute son histoire et ce que les corneilles avaient fait pour l'aider.
- Pauvre petite, s'exclamerent le prince et la princesse. Ils louerent grandement les corneilles, déclarant qu'ils n'étaient pas du tout fâchés mais qu'elles ne devaient tout de meme pas recommencer. Cependant ils voulaient leur donner une récompense.
- Voulez-vous voler librement ? demanda la princesse, ou voulez-vous avoir la charge de corneilles de la cour ayant droit a tous les déchets de la cuisine ?
Les deux corneilles firent la révérence et demanderent une charge fixe ; elles pensaient a leur vieillesse et qu'il est toujours bon d'avoir quelque chose de sur pour ses vieux jours.
Le prince se leva de son lit et permit a Gerda d'y dormir. Il ne pouvait vraiment faire plus. Elle joignit ses petites mains et pensa :
« Comme il y a des etres humains et aussi des animaux qui sont bons ! » La-dessus elle ferma les yeux et s'endormit délicieusement.
Tous les reves voltigerent a nouveau autour d'elle, cette fois ils avaient l'air d'anges du Bon Dieu, ils portaient un petit traîneau sur lequel était assis Kay qui saluait. Mais tout ceci n'était que reve et disparut des qu'elle s'éveilla.
Le lendemain on la vetit de la tete aux pieds de soie et de velours, elle fut invitée a rester au château et a couler des jours heureux mais elle demanda seulement une petite voiture attelée d'un cheval et une paire de petites bottines, elle voulait repartir de par le monde pour retrouver Kay.
On lui donna de petites bottines et un manchon, on l'habilla a ravir et au moment de partir un carrosse d'or pur attendait devant la porte. La corneille de la foret, mariée maintenant, les accompagna pendant trois lieues, assise a côté de la petite fille car elle ne pouvait supporter de rouler a reculons, la deuxieme corneille, debout a la porte, battait des ailes, souffrant d'un grand mal de tete pour avoir trop mangé depuis qu'elle avait obtenu un poste fixe, elle ne pouvait les accompagner. Le carrosse était bourré de craquelins sucrés, de fruits et de pains d'épice.
- Adieu ! Adieu ! criaient le prince et la princesse.
Gerda pleurait, la corneille pleurait, les premieres lieues passerent ainsi, puis la corneille fit aussi ses adieux et ce fut la plus dure séparation. Elle s'envola dans un arbre et battit de ses ailes noires aussi longtemps que fut en vue la voiture qui rayonnait comme le soleil lui-meme.

CINQUIEME HISTOIRE
LA PETITE FILLE DES BRIGANDS

On roulait a travers la sombre foret et le carrosse luisait comme un flambeau. Des brigands qui se trouvaient la en eurent les yeux blessés, il ne pouvaient le supporter.
- De l'or ! de l'or ! criaient-ils.
S'élançant a la tete des chevaux, ils massacrerent les petits postillons, le cocher et les valets et tirerent la petite Gerda hors de la voiture.
- Elle est grassouillette, elle est mignonne et nourrie d'amandes, dit la vieille brigande qui avait une longue barbe broussailleuse et des sourcils qui lui tombaient sur les yeux. C'est joli comme un petit agneau gras, ce sera délicieux a manger.
Elle tira son grand couteau et il luisait d'une façon terrifiante.
- Aie ! criait en meme temps cette mégere.
Sa propre petite fille qu'elle portait sur le dos et qui était sauvage et mal élevée a souhait, venait de la mordre a l'oreille.
- Sale petite ! fit la mere.
Elle n'eut pas le temps de tuer Gerda, sa petite fille lui dit :
- Elle jouera avec moi, qu'elle me donne son manchon, sa jolie robe et je la laisserai coucher dans mon lit.
Elle mordit de nouveau sa mere qui se débattait et se tournait de tous les côtés. Les brigands riaient.
- Voyez comme elle danse avec sa petite !
- Je veux monter dans le carrosse, dit la petite fille des brigands.
Et il fallut en passer par ou elle voulait, elle était si gâtée et si difficile. Elle s'assit aupres de Gerda et la voiture repartit par-dessus les souches et les broussailles plus profondément encore dans la foret. La fille des brigands était de la taille de Gerda mais plus forte, plus large d'épaules, elle avait le teint sombre et des yeux noirs presque tristes. Elle prit Gerda par la taille, disant :
- Ils ne te tueront pas tant que je ne serai pas fâchée avec toi. Tu es surement une princesse.
- Non, répondit Gerda.
Et elle lui raconta tout ce qui lui était arrivé et combien elle aimait le petit Kay.
La fille des brigands la regardait d'un air sérieux, elle fit un signe de la tete.
Elle essuya les yeux de Gerda et mit ses deux mains dans le manchon. Qu'il était doux !
Le carrosse s'arreta, elles étaient au milieu de la cour d'un château de brigands, tout lézardé du haut en bas, des corbeaux, des corneilles s'envolaient de tous les trous et les grands bouledogues, qui avaient chacun l'air capable d'avaler un homme, bondissaient mais n'aboyaient pas, cela leur était défendu.
Dans la grande vieille salle noire de suie, brulait sur le dallage de pierres un grand feu, la fumée montait vers le plafond et cherchait une issue, une grande marmite de soupe bouillait et sur des broches rôtissaient lievres et lapins.
- Tu vas dormir avec moi et tous mes petits animaux préférés ! dit la fille des brigands.
Apres avoir bu et mangé elles allerent dans un coin ou il y avait de la paille et des couvertures. Au-dessus, sur des lattes et des barreaux se tenaient une centaine de pigeons qui avaient tous l'air de dormir mais ils tournerent un peu la tete a l'arrivée des fillettes.
- Ils sont tous a moi, dit la petite fille des brigands.
Elle attrapa un des plus proches, le tint par les pattes.
- Embrasse-le ! cria-t-elle en le claquant a la figure de Gerda.
- Et voila toutes les canailles de la foret, continua-t-elle, en montrant une quantité de barreaux masquant un trou tres haut dans le mur.
- Ce sont les canailles de la foret, ces deux-la, ils s'envolent tout de suite si on ne les enferme pas bien. Et voici le plus chéri, mon vieux Bée !
Elle tira par une corne un renne qui portait un anneau de cuivre poli autour du cou et qui était attaché.
- Il faut aussi l'avoir a la chaîne celui-la, sans quoi il bondit et s'en va. Tous les soirs je lui caresse le cou avec mon couteau aiguisé, il en a une peur terrible, ajouta-t-elle.
Elle prit un couteau dans une fente du mur et le fit glisser sur le cou du pauvre renne qui ruait, mais la fille des brigands ne faisait qu'en rire. Elle entraîna Gerda vers le lit.
- Est-ce que tu le gardes pres de toi pour dormir ? demanda Gerda.
- Je dors toujours avec un couteau, dit la fille des brigands. On ne sait jamais ce qui peut arriver. Mais répete-moi ce que tu me racontais de Kay.
Tandis que la petite Gerda racontait, les pigeons de la foret roucoulaient la- haut dans leur cage, les autres pigeons dormaient. La fille des brigands dormait et ronflait, une main passée autour du cou de Gerda et le couteau dans l'autre, mais Gerda ne put fermer l'oil, ne sachant si elle allait vivre ou mourir.
Alors, les pigeons de la foret dirent :
- Crouou ! Crouou ! nous avons vu le petit Kay. Une poule blanche portait son traîneau, lui était assis dans celui de la Reine des Neiges, qui volait bas au-dessus de la foret, nous étions dans notre nid, la Reine a soufflé sur tous les jeunes et tous sont morts, sauf nous deux. Crouou ! Crouou !
- Que dites-vous la-haut ? cria Gerda. Ou la Reine des Neiges est-elle partie ?
- Elle allait surement vers la Laponie ou il y a toujours de la neige et de la glace. Demande au renne qui est attaché a la corde.
- Il y a de glace et de la neige, c'est agréable et bon, dit le renne. La, on peut sauter, libre, dans les grandes plaines brillantes, c'est la que la Reine des Neiges a sa tente d'été, mais son véritable château est pres du pôle Nord, sur une île appelée Spitzberg.
- Oh ! mon Kay, mon petit Kay, soupira Gerda.
- Si tu ne te tiens pas tranquille, dit la fille des brigands a demi réveillée, je te plante le couteau dans le ventre.
Au matin Gerda raconta a la fillette ce que les pigeons, le renne, lui avaient dit et la fille des brigands avait un air tres sérieux, elle disait :
- Ça m'est égal ! ça m'est égal !
- Sais-tu ou est la Laponie ? demanda-t-elle au renne.
- Qui pourrait le savoir mieux que moi, répondit l'animal dont les yeux étincelerent. C'est la que je suis né, que j'ai joué et bondi sur les champs enneigés.
- Ecoute, dit la fille des brigands a Gerda, tu vois que maintenant tous les hommes sont partis, la mere est toujours la et elle restera, mais bientôt elle va se mettre a boire a meme cette grande bouteille la-bas et elle se paiera ensuite un petit somme supplémentaire - alors je ferai quelque chose pour toi.
Lorsque la mere eut bu la bouteille et se fut rendormie, la fille des brigands alla vers le renne et lui dit :
- Cela m'aurait amusé de te chatouiller encore souvent le cou avec mon couteau aiguisé car tu es si amusant quand tu as peur, mais tant pis, je vais te détacher et t'aider a sortir pour que tu puisses courir jusqu'en Laponie mais il faudra prendre tes jambes a ton cou et m'apporter cette petite fille au château de la Reine des Neiges ou est son camarade de jeu. Tu as surement entendu ce qu'elle a raconté, elle parlait assez fort et tu es toujours a écouter.
Le renne sauta en l'air de joie. La fille des brigands souleva Gerda et prit la précaution de l'attacher fermement sur le dos de la bete, elle la fit meme asseoir sur un petit coussin.
- Ça m'est égal, dit-elle. Prends tes bottines fourrées car il fera froid, mais le manchon je le garde, il est trop joli. Et comme je ne veux pas que tu aies froid, voila les immense moufles de ma mere, elles te monteront jusqu'au coude
- fourre-moi tes mains la-dedans. Et voila, par les mains tu ressembles a mon affreuse mere.
Gerda pleurait de joie.
- Assez de pleurnicheries, je n'aime pas ça, tu devrais avoir l'air contente au contraire, voila deux pains et un jambon, tu ne souffriras pas de la faim.
Elle attacha les deux choses sur le renne, ouvrit la porte, enferma les grands chiens, puis elle coupa avec son couteau la corde du renne et lui dit :
-Va maintenant, cours, mais fais bien attention a la petite fille.
Gerda tendit ses mains gantées des immenses moufles vers la fille des brigands pour dire adieu et le renne détala par-dessus les buissons et les souches, a travers la grande foret par les marais et par la steppe, il courait tant qu'il pouvait. Les loups hurlaient, les corbeaux croassaient. Le ciel faisait pfut ! pfut ! comme s'il éternuait rouge.
- C'est la chere vieille aurore boréale, dit le renne, regarde cette lumiere !
Et il courait, il courait, de jour et de nuit.
On mangea les pains, et le jambon aussi. Et ils arriverent en Laponie.

SIXIEME HISTOIRE
LA FEMME LAPONE ET LA FINNOISE

Ils s'arreterent pres d'une petite maison tres misérable, le toit descendait jusqu'a terre et la porte était si basse que la famille devait ramper sur le ventre pour y entrer. Il n'y avait personne au logis qu'une vieille femme lapone qui faisait cuire du poisson sur une lampe a huile de foie de morue. Le renne lui raconta toute l'histoire de Gerda, mais d'abord la sienne qui semblait etre beaucoup plus importante et Gerda était si transie de froid qu'elle ne pouvait pas parler.
- Hélas ! pauvres de vous, s'écria la femme, vous avez encore beaucoup a courir, au moins cent lieues encore pour atteindre le Finmark, c'est la qu'est la maison de campagne de la Reine des Neiges, et les aurores boréales s'y allument chaque soir. Je vais vous écrire un mot sur un morceau de morue, je n'ai pas de papier, et vous le porterez a la femme finnoise la-haut, elle vous renseignera mieux que moi.
Lorsque Gerda fut un peu réchauffée, quand elle eut bu et mangé, la femme lapone écrivit quelques mots sur un morceau de morue séchée, recommanda a Gerda d'y faire bien attention, attacha de nouveau la petite fille sur le renne - et en route ! Pfut ! pfut ! entendait-on dans l'air, la plus jolie lumiere bleue brulait la-haut.
Ils arriverent au Finmark et frapperent a la cheminée de la finnoise car la il n'y avait meme pas de porte.
Quelle chaleur dans cette maison ! la Finnoise y était presque nue, petite et malpropre. Elle défit rapidement les vetements de Gerda, lui enleva les moufles et les bottines pour qu'elle n'ait pas trop chaud, mit un morceau de glace sur la tete du renne et commença a lire ce qui était écrit sur la morue séchée. Elle lut et relut trois fois, ensuite, comme elle le savait par cour, elle mit le morceau de poisson a cuire dans la marmite, c'était bon a manger et elle ne gaspillait jamais rien.
Le renne raconta d'abord sa propre histoire puis celle de Gerda. La Finnoise clignait de ses yeux intelligents mais ne disait rien.
- Tu es tres remarquable, dit le renne, je sais que tu peux attacher tous les vents du monde avec un simple fil a coudre, si le marin défait un noud il a bon vent, S'il défait un second noud, il vente fort, et s'il défait le troisieme et le quatrieme, la tempete est si terrible que les arbres des forets sont renversés. Ne veux-tu pas donner a cette petite fille un breuvage qui lui assure la force de douze hommes et lui permette de vaincre la Reine des Neiges ?
- La force de douze hommes, dit la Finnoise, oui, ça suffira bien.
Elle alla vers une tablette, y prit une grande peau roulée, la déroula. D'étranges lettres y étaient gravées, la Finnoise les lisait et des gouttes de sueur tombaient de son front.
Le renne la pria encore si fort pour Gerda et la petite la regarda avec des yeux si suppliants, si pleins de larmes que la Finnoise se remit a cligner des siens. Elle attira le renne dans un coin et lui murmura quelque chose tout en lui mettant de la glace fraîche sur la tete.
- Le petit Kay est en effet chez la Reine des Neiges et il y est parfaitement heureux, il pense qu'il se trouve la dans le lieu le meilleur du monde, mais tout ceci vient de ce qu'il a reçu un éclat de verre dans le cour et une poussiere de verre dans l'oil, il faut que ce verre soit extirpé sinon il ne deviendra jamais un homme et la Reine des Neiges conservera son pouvoir sur lui.
- Mais ne peux-tu faire prendre a Gerda un breuvage qui lui donnerait un pouvoir magique sur tout cela ?
- Je ne peux pas lui donner un pouvoir plus grand que celui qu'elle a déja. Ne vois-tu pas comme il est grand, ne vois-tu pas comme les hommes et les animaux sont forcés de la servir, comment pieds nus elle a réussi a parcourir le monde ? Ce n'est pas par nous qu'elle peut gagner son pouvoir qui réside dans son cour d'enfant innocente et gentille. Si elle ne peut pas par elle- meme entrer chez la Reine des Neiges et arracher les morceaux de verre du cour et des yeux de Kay, nous, nous ne pouvons l'aider.
Le jardin de la Reine commence a deux lieues d'ici, conduis la petite fille jusque-la, fais-la descendre pres du buisson qui, dans la neige, porte des baies rouges, ne tiens pas de parlotes inutiles et reviens au plus vite.
Ensuite la femme finnoise souleva Gerda et la replaça sur le dos du renne qui repartit a toute allure.
- Oh ! Je n'ai pas mes bottines, je n'ai pas mes moufles, criait la petite Gerda, s'en apercevant dans le froid cuisant.
Le renne n'osait pas s'arreter, il courait, il courait ... Enfin il arriva au grand buisson qui portait des baies rouges, la il mit Gerda a terre, l'embrassa sur la bouche. De grandes larmes brillantes roulaient le long des joues de l'animal et il se remit a courir, aussi vite que possible pour s'en retourner.
Et voila ! la pauvre Gerda, sans chaussures, sans gants, dans le terrible froid du Finmark.
Elle se mit a courir en avant aussi vite que possible mais un régiment de flocons de neige venaient a sa rencontre, ils ne tombaient pas du ciel qui était parfaitement clair et ou brillait l'aurore boréale, ils couraient sur la terre et a mesure qu'ils s'approchaient, ils devenaient de plus en plus grands. Gerda se rappelait combien ils étaient grands et bien faits le jour ou elle les avait regardés a travers la loupe, mais ici ils étaient encore bien plus grands, effrayants, vivants, l'avant garde de la Reine des Neiges. Ils prenaient les formes les plus bizarres, quelques uns avaient l'air de grands hérissons affreux, d'autres semblaient des nouds de serpents avançant leurs tetes, d'autres ressemblaient a de gros petits ours au poil luisant. Ils étaient tous d'une éclatante blancheur.
Alors la petite Gerda se mit a dire sa priere. Le froid était si intense que son haleine sortait de sa bouche comme une vraie fumée, cette haleine devint de plus en plus dense et se transforma en petits anges lumineux qui grandissaient de plus en plus en touchant la terre, ils avaient tous des casques sur la tete, une lance et un bouclier dans les mains, ils étaient de plus en plus nombreux. Lorsque Gerda eut fini sa priere ils formaient une légion autour d'elle. Ils combattaient de leurs lances les flocons de neige et les faisaient éclater en mille morceaux et la petite Gerda s'avança d'un pas assuré, intrépide. Les anges lui tapotaient les pieds et les mains, elle ne sentait plus le froid et marchait rapidement vers le château.
Maintenant il nous faut d'abord voir comment était Kay. Il ne pensait absolument pas a la petite Gerda, et encore moins qu'elle put etre la, devant le château.

SEPTIEME HISTOIRE
CE QUI S'ETAIT PASSE AU CHATEAU DE LA REINE
DES NEIGES ET CE QUI EUT LIEU PAR LA SUITE

Les murs du château étaient faits de neige pulvérisée, les fenetres et les portes de vents coupants, il y avait plus de cent salles formées par des tourbillons de neige. La plus grande s'étendait sur plusieurs lieues, toutes étaient éclairées de magnifiques aurores boréales, elles étaient grandes, vides, glacialement froides et étincelantes.
Aucune gaieté ici, pas le plus petit bal d'ours ou le vent aurait pu souffler et les ours blancs marcher sur leurs pattes de derriere en prenant des airs distingués. Pas la moindre partie de cartes amenant des disputes et des coups, pas la moindre invitation au café de ces demoiselles les renardes blanches, les salons de la Reine des Neiges étaient vides, grands et glacés. Les aurores boréales luisaient si vivement et si exactement que l'on pouvait prévoir le moment ou elles seraient a leur apogée et celui ou, au contraire, elles seraient a leur décrue la plus marquée. Au milieu de ces salles neigeuses, vides et sans fin, il y avait un lac gelé dont la glace était brisée en mille morceaux, mais en morceaux si identiques les uns aux autres que c'était une véritable merveille. Au centre trônait la Reine des Neiges quand elle était a la maison. Elle disait qu'elle siégerait la sur le miroir de la raison, l'unique et le meilleur au monde.
Le petit Kay était bleu de froid, meme presque noir, mais il ne le remarquait pas, un baiser de la reine lui avait enlevé la possibilité de sentir le frisson du froid et son cour était un bloc de glace - ou tout comme. Il cherchait a droite et a gauche quelques morceaux de glace plats et coupants qu'il disposait de mille manieres, il voulait obtenir quelque chose comme nous autres lorsque nous voulons obtenir une image en assemblant de petites plaques de bois découpées (ce que nous appelons jeu chinois ou puzzle). Lui aussi voulait former des figures et les plus compliquées, ce qu'il appelait le « jeu de glace de la raison » qui prenait a ses yeux une tres grande importance, par suite de l'éclat de verre qu'il avait dans l'oil. Il formait avec ces morceaux de glace un mot mais n'arrivait jamais a obtenir le mot exact qu'il aurait voulu, le mot « Eternité ». La Reine des Neiges lui avait dit :
- Si tu arrives a former ce mot, tu deviendras ton propre maître, je t'offrirai le monde entier et une paire de nouveaux patins. Mais il n'y arrivait pas ...
- Maintenant je vais m'envoler vers les pays chauds, dit la Reine, je veux jeter un coup d'oil dans les marmites noires.
Elle parlait des volcans qui crachent le feu, l'Etna et le Vésuve.
- Je vais les blanchir ; un peu de neige, cela fait partie du voyage et fait tres bon effet sur les citronniers et la vigne.
Elle s'envola et Kay resta seul dans les immenses salles vides. Il regardait les morceaux de glace et réfléchissait, il réfléchissait si intensément que tout craquait en lui, assis la raide, immobile, on aurait pu le croire mort, gelé.
Et c'est a ce moment que la petite Gerda entra dans le château par le grand portail fait de vents aigus. Elle récita sa priere du soir et le vent s'apaisa comme s'il allait s'endormir. Elle entra dans la grande salle vide et glacée ... Alors elle vit Kay, elle le reconnut, elle lui sauta au cou, le tint serré contre elle et elle criait :
- Kay ! mon gentil petit Kay ! je te retrouve enfin.
Mais lui restait immobile, raide et froid - alors Gerda pleura de chaudes larmes qui tomberent sur la poitrine du petit garçon, pénétrerent jusqu'a son cour, firent fondre le bloc de glace, entraînant l'éclat de verre qui se trouvait la.
Il la regarda, elle chantait le psaume :

Les roses poussent dans les vallées
Ou l'enfant Jésus vient nous parler.

Alors Kay éclata en sanglots. Il pleura si fort que la poussiere de glace coula hors de son oil. Il reconnut Gerda et cria débordant de joie :
- Gerda, chere petite Gerda, ou es-tu restée si longtemps? Ou ai-je été moi-meme? Il regarda alentour.
- Qu'il fait froid ici, que tout est vide et grand.
Il se serrait contre sa petite amie qui riait et pleurait de joie. Un infini bonheur s'épanouissait, les morceaux de glace eux-memes dansaient de plaisir, et lorsque les enfants s'arreterent, fatigués, ils formaient justement le mot que la Reine des Neiges avait dit a Kay de composer : « Éternité ». Il devenait donc son propre maître, elle devait lui donner le monde et une paire de patins neufs.
Gerda lui baisa les joues et elle devinrent roses, elle baisa ses yeux et ils brillerent comme les siens, elle baisa ses mains et ses pieds et il redevint sain et fort. La Reine des Neiges pouvait rentrer, la lettre de franchise de Kay était la écrite dans les morceaux de glace étincelants : Eternité ...
Alors les deux enfants se prirent par la main et sortirent du grand château. Ils parlaient de grand-mere et des rosiers sur le toit, les vents s'apaisaient, le soleil se montrait. Ils atteignirent le buisson aux baies rouges, le renne était la et les attendait. Il avait avec lui une jeune femelle dont le pis était plein, elle donna aux enfants son lait chaud et les baisa sur la bouche.
Les deux animaux porterent Kay et Gerda d'abord chez la femme finnoise ou ils se réchaufferent dans sa chambre, et qui leur donna des indications pour le voyage de retour, puis chez la femme lapone qui leur avait cousu des vetements neufs et avait préparé son traîneau.
Les deux rennes bondissaient a côté d'eux tandis qu'ils glissaient sur le traîneau, ils les accompagnerent jusqu'a la frontiere du pays ou se montraient les premieres verdures : la ils firent leurs adieux aux rennes et a la femme lapone.
- Adieu ! Adieu ! dirent-ils tous.
Les premiers petits oiseaux se mirent a gazouiller, la foret était pleine de pousses vertes. Et voila que s'avançait vers eux sur un magnifique cheval que Gerda reconnut aussitôt (il avait été attelé devant le carrosse d'or), s'avançait vers eux une jeune fille portant un bonnet rouge et tenant des pistolets devant elle, c'était la petite fille des brigands qui s'ennuyait a la maison et voulait voyager, d'abord vers le nord, ensuite ailleurs si le nord ne lui plaisait pas.
- Tu t'y entends a faire trotter le monde, dit-elle au petit Kay, je me demande si tu vaux la peine qu'on coure au bout du monde pour te chercher.
Gerda lui caressa les joues et demanda des nouvelles du prince et de la princesse.
- Ils sont partis a l'étranger, dit la fille des brigands.
- Et la corneille ? demanda Gerda.
- La corneille est morte, répondit-elle. Sa chérie apprivoisée est veuve et porte un bout de laine noire a la patte, elle se plaint lamentablement, quelle betise ! Mais raconte-moi ce qui t'est arrivé et comment tu l'as retrouvé ?
Gerda et Kay racontaient tous les deux en meme temps.
- Et patati, et patata, dit la fille des brigands, elle leur serra la main a tous les deux et promit, si elle traversait leur ville, d'aller leur rendre visite ... et puis elle partit dans le vaste monde.
Kay et Gerda allaient la main dans la main et tandis qu'ils marchaient, un printemps délicieux plein de fleurs et de verdure les enveloppait. Les cloches sonnaient, ils reconnaissaient les hautes tours, la grande ville ou ils habitaient. Il allerent a la porte de grand-mere, monterent l'escalier, entrerent dans la chambre ou tout était a la meme place qu'autrefois. La pendule faisait tic-tac, les aiguilles tournaient, mais en passant la porte, ils s'aperçurent qu'ils étaient devenus des grandes personnes.
Les rosiers dans la gouttiere étendaient leurs fleurs a travers les fenetres ouvertes. Leurs petites chaises d'enfants étaient la, Kay et Gerda s'assirent chacun sur la sienne en se tenant toujours la main, ils avaient oublié, comme on oublie un reve pénible, les splendeurs vides du château de la Reine des Neiges. Grand-mere était assise dans le clair soleil de Dieu et lisait la Bible a voix haute : « Si vous n'etes pas semblables a des enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume de Dieu. »
Kay et Gerda se regarderent dans les yeux et comprirent d'un coup le vieux psaume :

Les roses poussent dans
les vallées
Ou l'enfant Jésus vient
nous parler.

Ils étaient assis la, tous deux, adultes et cependant enfants, enfants par le cour...
C'était l'été, le doux été béni.

 

 
Fuss.
 
Óra
 
csak hogy tudjam mennyien vagytok.. :)
Indulás: 2004-08-07
 
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