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Fabliau, tage : La petite sirène

La petite sirène

  2006.03.16. 21:09

H. C. Andersen

Au large dans la mer, l'eau est bleue comme les ptales du plus beau bleuet et transparente comme le plus pur cristal; mais elle est si profonde qu'on ne peut y jeter l'ancre et qu'il faudrait mettre l'une sur l'autre bien des tours d'glise pour que la dernière merge à la surface. Tout en bas, les habitants des ondes ont leur demeure.
Mais n'allez pas croire qu'il n'y a là que des fonds de sable nu blanc, non il y pousse les arbres et les plantes les plus tranges dont les tiges et les feuilles sont si souples qu'elles ondulent au moindre mouvement de l'eau. On dirait qu'elles sont vivantes. Tous les poissons, grands et petits, glissent dans les branches comme ici les oiseaux dans l'air.
A l'endroit le plus profond s'lève le chteau du Roi de la Mer. Les murs en sont de corail et les hautes fenêtres pointues sont faites de l'ambre le plus transparent, mais le toit est en coquillages qui se ferment ou s'ouvrent au passage des courants. L'effet en est ferique car dans chaque coquillage il y a des perles brillantes dont une seule serait un ornement splendide sur la couronne d'une reine.
Le Roi de la Mer tait veuf depuis de longues annes, sa vieille maman tenait sa maison. C'tait une femme d'esprit, mais fière de sa noblesse; elle portait douze hutres à sa queue, les autres dames de qualit n'ayant droit qu'à six. Elle mritait du reste de grands loges et cela surtout parce qu'elle aimait infiniment les petites princesses de la mer, filles de son fils. Elles taient six enfants charmantes, mais la plus jeune tait la plus belle de toutes, la peau fine et transparente tel un ptale de rose blanche, les yeux bleus comme l'ocan profond ... mais comme toutes les autres, elle n'avait pas de pieds, son corps se terminait en queue de poisson.
Le chteau tait entour d'un grand jardin aux arbres rouges et bleu sombre, aux fruits rayonnants comme de l'or, les fleurs semblaient de feu, car leurs tiges et leurs ptales pourpres ondulaient comme des flammes. Le sol tait fait du sable le plus fin, mais bleu comme le soufre en flammes. Surtout cela planait une trange lueur bleutre, on se serait cru très haut dans l'azur avec le ciel au-dessus et en dessous de soi, plutt qu'au fond de la mer.
Par temps très calme, on apercevait le soleil comme une fleur de pourpre, dont la corolle irradiait des faisceaux de lumière.
Chaque princesse avait son carr de jardin où elle pouvait bêcher et planter à son gr, l'une donnait à sa corbeille de fleurs la forme d'une baleine, l'autre prfrait qu'elle figurt une sirène, mais la plus jeune fit la sienne toute ronde comme le soleil et n'y planta que des fleurs clatantes comme lui.
C'tait une singulière enfant, silencieuse et rflchie. Tandis que ses sœurs ornaient leurs jardinets des objets les plus disparates tombs de navires naufrags, elle ne voulut, en dehors des fleurs rouges comme le soleil de là- haut, qu'une statuette de marbre, un charmant jeune garon taill dans une pierre d'une blancheur pure, et choue, par suite d'un naufrage, au fond de la mer. Elle planta près de la statue un saule pleureur rouge qui grandit à merveille. Elle n'avait pas de plus grande joie que d'entendre parler du monde des humains. La grand-mère devait raconter tout ce qu'elle savait des bateaux et des villes, des hommes et des bêtes et, ce qui l'tonnait le plus, c'est que là- haut, sur la terre, les fleurs eussent un parfum, ce qu'elles n'avaient pas au fond de la mer, et que la forêt y fût verte et que les poissons voltigeant dans les branches chantassent si dlicieusement que c'en tait un plaisir. C'taient les oiseaux que la grand-mère appelait poissons, autrement les petites filles ne l'auraient pas comprise, n'ayant jamais vu d'oiseaux.
- Quand vous aurez vos quinze ans, dit la grand-mère, vous aurez la permission de monter à la surface, de vous asseoir au clair de lune sur les rochers et de voir passer les grands vaisseaux qui naviguent et vous verrez les forêts et les villes, vous verrez !
Au cours de l'anne, l'une des sœurs eut quinze ans et comme elles se suivaient toutes à un an de distance, la plus jeune devait attendre cinq grandes annes avant de pouvoir monter du fond de la mer.
Mais chacune promettait aux plus jeunes de leur raconter ce qu'elle avait vu de plus beau dès le premier jour, grand-mère n'en disait jamais assez à leur gr, elles voulaient savoir tant de choses !
Aucune n'tait plus impatiente que la plus jeune, justement celle qui avait le plus longtemps à attendre, la silencieuse, la pensive ...
Que de nuits elle passait debout à la fenêtre ouverte, scrutant la sombre eau bleue que les poissons battaient de leurs nageoires et de leur queue. Elle apercevait la lune et les toiles plus ples il est vrai à travers l'eau, mais plus grandes aussi qu'à nos yeux. Si parfois un nuage noir glissait au-dessous d'elles, la petite savait que c'tait une baleine qui nageait dans la mer, ou encore un navire portant de nombreux hommes, lesquels ne pensaient sûrement pas qu'une adorable petite sirène, là, tout en bas, tendait ses fines mains blanches vers la quille du bateau.
Vint le temps où l'ane des princesses eut quinze ans et put monter à la surface de la mer.
A son retour, elle avait mille choses à raconter mais le plus grand plaisir, disait-elle, tait de s'tendre au clair de lune sur un banc de sable par une mer calme et de voir, tout près de la cte, la grande ville aux lumières scintillantes comme des centaines d'toiles, d'entendre la musique et tout ce vacarme des voitures et des gens, d'apercevoir tant de tours d'glises et de clochers, d'entendre sonner les cloches. Justement, parce qu'elle ne pouvait y aller, c'tait de cela qu'elle avait le plus grand dsir. Oh! comme la plus jeune sœur l'coutait passionnment, et depuis lors, le soir, lorsqu'elle se tenait près de la fenêtre ouverte et regardait en haut à travers l'eau sombre et bleue, elle pensait à la grande ville et à ses rumeurs, et il lui semblait entendre le son des cloches descendant jusqu'à elle. 

L'anne suivante, ce fut le tour de la troisième sœur. Elle tait la plus hardie de toutes, aussi remonta-t-elle le cours d'un large fleuve qui se jetait dans la mer. Elle vit de jolies collines vertes couvertes de vignes, des chteaux et des fermes apparaissaient au milieu des forêts, elle entendait les oiseaux chanter et le soleil ardent l'obligeait souvent à plonger pour rafrachir son visage brûlant.
Dans une petite anse, elle rencontra un groupe d'enfants qui couraient tout nus et barbotaient dans l'eau. Elle aurait aim jouer avec eux, mais ils s'enfuirent effrays, et un petit animal noir - c'tait un chien, mais elle n'en avait jamais vu - aboya si frocement après elle qu'elle prit peur et nagea vers le large.
La quatrième n'tait pas si tmraire, elle resta au large et raconta que c'tait là prcisment le plus beau. On voyait à des lieues autour de soi et le ciel, au-dessus, semblait une grande cloche de verre. Elle avait bien vu des navires, mais de très loin, ils ressemblaient à de grandes mouettes, les dauphins avaient fait des culbutes et les immenses baleines avaient fait jaillir l'eau de leurs narines, des centaines de jets d'eau.
Vint enfin le tour de la cinquième sœur. Son anniversaire se trouvait en hiver, elle vit ce que les autres n'avaient pas vu. La mer tait toute verte, de- ci de-là flottaient de grands icebergs dont chacun avait l'air d'une perle.
Elle tait monte sur l'un d'eux et tous les voiliers s'cartaient effrays de l'endroit où elle tait assise, ses longs cheveux flottant au vent, mais vers le soir les nuages obscurcirent le ciel, il y eut des clairs et du tonnerre, la mer noire levait très haut les blocs de glace scintillant dans le zigzag de la foudre. Sur tous les bateaux, on carguait les voiles dans l'angoisse et l'inquitude, mais elle, assise sur l'iceberg flottant, regardait la lame bleue de l'clair tomber dans la mer un instant illumine.
La première fois que l'une des sœurs mergeait à la surface de la mer, elle tait toujours enchante de la beaut, de la nouveaut du spectacle, mais, devenues des filles adultes, lorsqu'elles taient libres d'y remonter comme elles le voulaient, cela leur devenait indiffrent, elles regrettaient leur foyer et, au bout d'un mois, elles disaient que le fond de la mer c'tait plus beau et qu'on tait si bien chez soi !
Lorsque le soir les sœurs, se tenant par le bras, montaient à travers l'eau profonde, la petite dernière restait toute seule et les suivait des yeux ; elle aurait voulu pleurer, mais les sirènes n'ont pas de larmes et n'en souffrent que davantage.
- Hlas ! que n'ai-je quinze ans ! soupirait-elle. Je sais que moi j'aimerais le monde de là-haut et les hommes qui y construisent leurs demeures.
- Eh bien, tu vas chapper à notre autorit, lui dit sa grand-mère, la vieille reine douairière. Viens, que je te pare comme tes sœurs. Elle mit sur ses cheveux une couronne de lys blancs dont chaque ptale tait une demi-perle et elle lui fit attacher huit hutres à sa queue pour marquer sa haute naissance.
- Cela fait mal, dit la petite.
- Il faut souffrir pour être belle, dit la vieille.
Oh! que la petite aurait aim secouer d'elle toutes ces parures et dposer cette lourde couronne! Les fleurs rouges de son jardin lui seyaient mille fois mieux, mais elle n'osait pas à prsent en changer.
-Au revoir, dit-elle, en s'levant aussi lgère et brillante qu'une bulle à travers les eaux.
Le soleil venait de se coucher lorsqu'elle sortit sa tête à la surface, mais les nuages portaient encore son reflet de rose et d'or et, dans l'atmosphère tendre, scintillait l'toile du soir, si douce et si belle! L'air tait pur et frais, et la mer sans un pli.
Un grand navire à trois mts se trouvait là, une seule voile tendue, car il n'y avait pas le moindre souffle de vent, et tous à la ronde sur les cordages et les vergues, les matelots taient assis. On faisait de la musique, on chantait, et lorsque le soir s'assombrit, on alluma des centaines de lumières de couleurs diverses. On eût dit que flottaient dans l'air les drapeaux de toutes les nations.
La petite sirène nagea jusqu'à la fenêtre du salon du navire et, chaque fois qu'une vague la soulevait, elle apercevait à travers les vitres transparentes une runion de personnes en grande toilette. Le plus beau de tous tait un jeune prince aux yeux noirs ne paraissant guère plus de seize ans. C'tait son anniversaire, c'est pourquoi il y avait grande fête.
Les marins dansaient sur le pont et lorsque Le jeune prince y apparut, des centaines de fuses montèrent vers le ciel et clatèrent en clairant comme en plein jour. La petite sirène en fut tout effraye et replongea dans l'eau, mais elle releva bien vite de nouveau la tête et il lui parut alors que toutes les toiles du ciel tombaient sur elle. Jamais elle n'avait vu pareille magie embrase. De grands soleils flamboyants tournoyaient, des poissons de feu s'lanaient dans l'air bleu et la mer paisible rflchissait toutes ces lumières. Sur le navire, il faisait si clair qu'on pouvait voir le moindre cordage et naturellement les personnes. Que le jeune prince tait beau, il serrait les mains à la ronde, tandis que la musique s'levait dans la belle nuit !
Il se faisait tard mais la petite sirène ne pouvait dtacher ses regards du bateau ni du beau prince. Les lumières colores s'teignirent, plus de fuses dans l'air, plus de canons, seulement, dans le plus profond de l'eau un sourd grondement. Elle flottait sur l'eau et les vagues la balanaient, en sorte qu'elle voyait l'intrieur du salon. Le navire prenait de la vitesse, l'une après l'autre on larguait les voiles, la mer devenait houleuse, de gros nuages parurent, des clairs sillonnèrent au loin le ciel. Il allait faire un temps pouvantable ! Alors, vite les matelots replièrent les voiles. Le grand navire roulait dans une course folle sur la mer dmonte, les vagues, en hautes montagnes noires, dferlaient sur le grand mt comme pour l'abattre, le bateau plongeait comme un cygne entre les lames et s'levait ensuite sur elles.
Les marins, eux, si la petite sirène s'amusait de cette course, semblaient ne pas la goûter, le navire craquait de toutes parts, les pais cordages ployaient sous les coups. La mer attaquait. Bientt le mt se brisa par le milieu comme un simple roseau, le bateau prit de la bande, l'eau envahit la cale.
Alors seulement la petite sirène comprit qu'il y avait danger, elle devait elle- même se garder des poutres et des paves tourbillonnant dans l'eau.
Un instant tout fut si noir qu'elle ne vit plus rien et, tout à coup, le temps d'un clair, elle les aperut tous sur le pont. Chacun se sauvait comme il pouvait. C'tait le jeune prince qu'elle cherchait du regard et, lorsque le bateau s'entrouvrit, elle le vit s'enfoncer dans la mer profonde.
Elle en eut d'abord de la joie à la pense qu'il descendait chez elle, mais ensuite elle se souvint que les hommes ne peuvent vivre dans l'eau et qu'il ne pourrait atteindre que mort le chteau de son père.
Non ! il ne fallait pas qu'il mourût ! Elle nagea au milieu des paves qui pouvaient l'craser, plongea profondment puis remonta très haut au milieu des vagues, et enfin elle approcha le prince. Il n'avait presque plus la force de nager, ses bras et ses jambes djà s'immobilisaient, ses beaux yeux se fermaient, il serait mort sans la petite sirène. 

Quand vint le matin, la tempête s'tait apaise, pas le moindre dbris du bateau n'tait en vue; le soleil se leva, rouge et tincelant et semblant ranimer les joues du prince, mais ses yeux restaient clos. La petite sirène dposa un baiser sur son beau front lev et repoussa ses cheveux ruisselants.
Elle voyait maintenant devant elle la terre ferme aux hautes montagnes bleues couvertes de neige, aux belles forêts vertes descendant jusqu'à la cte. Une glise ou un clotre s'levait là - elle ne savait au juste, mais un btiment.
Des citrons et des oranges poussaient dans le jardin et devant le portail se dressaient des palmiers. La mer creusait là une petite crique à l'eau parfaitement calme, mais très profonde, baignant un rivage rocheux couvert d'un sable blanc très fin. Elle nagea jusque-là avec le beau prince, le dposa sur le sable en ayant soin de relever sa tête sous les chauds rayons du soleil.
Les cloches se mirent à sonner dans le grand difice blanc et des jeunes filles traversèrent le jardin. Alors la petite sirène s'loigna à la nage et se cacha derrière quelque haut rcif mergeant de l'eau, elle couvrit d'cume ses cheveux et sa gorge pour passer inaperue et se mit à observer qui allait venir vers le pauvre prince.
Une jeune fille ne tarda pas à s'approcher, elle eut d'abord grand-peur, mais un instant seulement, puis elle courut chercher du monde. La petite sirène vit le prince revenir à lui, il sourit à tous à la ronde, mais pas à elle, il ne savait pas qu'elle l'avait sauv. Elle en eut grand-peine et lorsque le prince eut t port dans le grand btiment, elle plongea dsespre et retourna chez elle au palais de son père.
Elle avait toujours t silencieuse et pensive, elle le devint bien davantage. Ses sœurs lui demandèrent ce qu'elle avait vu là-haut, mais elle ne raconta rien.
Bien souvent le soir et le matin elle montait jusqu'à la place où elle avait laiss le prince. Elle vit mûrir les fruits du jardin et elle les vit cueillir, elle vit la neige fondre sur les hautes montagnes, mais le prince, elle ne le vit pas, et elle retournait chez elle toujours plus dsespre.
A la fin elle n'y tint plus et se confia à l'une de ses sœurs. Aussitt les autres furent au courant, mais elles seulement et deux ou trois autres sirènes qui ne le rptèrent qu'à leurs amies les plus intimes. L'une d'elles savait qui tait le prince, elle avait vu aussi la fête à bord, elle savait d'où il tait, où se trouvait son royaume.
- Viens, petite sœur, dirent les autres princesses.
Et, s'enlaant, elles montèrent en une longue chane vers la cte où s'levait le chteau du prince.
Par les vitres claires des hautes fenêtres on voyait les salons magnifiques où pendaient de riches rideaux de soie et de prcieuses portières. Les murs s'ornaient, pour le plaisir des yeux, de grandes peintures. Dans la plus grande salle chantait un jet d'eau jaillissant très haut vers la verrière du plafond.
Elle savait maintenant où il habitait et elle revint souvent, le soir et la nuit. Elle s'avanait dans l'eau bien plus près du rivage qu'aucune de ses sœurs n'avait os le faire, oui, elle entra même dans l'troit canal passant sous le balcon de marbre qui jetait une longue ombre sur l'eau et là elle restait à regarder le jeune prince qui se croyait seul au clair de lune.
Bien des nuits, lorsque les pêcheurs taient en mer avec leurs torches, elle les entendit dire du bien du jeune prince, elle se rjouissait de lui avoir sauv la vie lorsqu'il roulait à demi mort dans les vagues. Elle songeait au poids de sa tête sur sa jeune poitrine et de quels fervents baisers elle l'avait couvert. Lui ne savait rien de tout cela, il ne pouvait même pas rêver d'elle.
De plus en plus elle en venait à chrir les humains, de plus en plus elle dsirait pouvoir monter parmi eux, leur monde, pensait-elle, tait bien plus vaste que le sien. Ne pouvaient-ils pas sur leurs bateaux sillonner les mers, escalader les montagnes bien au-dessus des nuages et les pays qu'ils possdaient ne s'tendaient-ils pas en forêts et champs bien au-delà de ce que ses yeux pouvaient saisir ?
Elle voulait savoir tant de choses pour lesquelles ses sœurs n'avaient pas toujours de rponses, c'est pourquoi elle interrogea sa vieille grand-mère, bien informe sur le monde d'en haut, comme elle appelait fort justement les pays au-dessus de la mer.
- Si les hommes ne se noient pas, demandait la petite sirène, peuvent-ils vivre toujours et ne meurent-ils pas comme nous autres ici au fond de la mer ?
- Si, dit la vieille, il leur faut mourir aussi et la dure de leur vie est même plus courte que la ntre. Nous pouvons atteindre trois cents ans, mais lorsque nous cessons d'exister ici nous devenons cume sur les flots, sans même une tombe parmi ceux que nous aimons. Nous n'avons pas d'me immortelle, nous ne reprenons jamais vie, pareils au roseau vert qui, une fois coup, ne reverdit jamais.
Les hommes au contraire ont une me qui vit ternellement, qui vit lorsque leur corps est retourn en poussière. Elle s'lève dans l'air limpide jusqu'aux toiles scintillantes.
De même que nous mergeons de la mer pour voir les pays des hommes, ils montent vers des pays inconnus et pleins de dlices que nous ne pourrons voir jamais.
- Pourquoi n'avons-nous pas une me ternelle ? dit la petite, attriste ; je donnerais les centaines d'annes que j'ai à vivre pour devenir un seul jour un être humain et avoir part ensuite au monde cleste !
- Ne pense pas à tout cela, dit la vieille, nous vivons beaucoup mieux et sommes bien plus heureux que les hommes là-haut.
- Donc, il faudra que je meure et flotte comme cume sur la mer et n'entende jamais plus la musique des vagues, ne voit plus les fleurs ravissantes et le rouge soleil. Ne puis-je rien faire pour gagner une vie ternelle ?
- Non, dit la vieille, à moins que tu sois si chère à un homme que tu sois pour lui plus que père et mère, qu'il s'attache à toi de toutes ses penses, de tout son amour, qu'il fasse par un prêtre mettre sa main droite dans la tienne en te promettant fidlit ici-bas et dans l'ternit. Alors son me glisserait dans ton corps et tu aurais part au bonheur humain. Il te donnerait une me et conserverait la sienne. Mais cela ne peut jamais arriver. Ce qui est ravissant ici dans la mer, ta queue de poisson, il la trouve très laide là-haut sur la terre. Ils n'y entendent rien, pour être beau, il leur faut avoir deux grossières colonnes qu'ils appellent des jambes.
La petite sirène soupira et considra sa queue de poisson avec dsespoir.
- Allons, un peu de gaiet, dit la vieille, nous avons trois cents ans pour sauter et danser, c'est un bon laps de temps. Ce soir il y a bal à la cour. Il sera toujours temps de sombrer dans le nant.
Ce bal fut, il est vrai, splendide, comme on n'en peut jamais voir sur la terre. Les murs et le plafond, dans la grande salle, taient d'un verre pais, mais clair. Plusieurs centaines de coquilles roses et vert pr taient ranges de chaque ct et jetaient une intense clart de feu bleue qui illuminait toute la salle et brillait à travers les murs de sorte que la mer, au-dehors, en tait tout illumine. Les poissons innombrables, grands et petits, nageaient contre les murs de verre, luisants d'cailles pourpre ou tincelants comme l'argent et l'or.
Au travers de la salle coulait un large fleuve sur lequel dansaient tritons et sirènes au son de leur propre chant dlicieux. La voix de la petite sirène tait la plus jolie de toutes, on l'applaudissait et son cœur en fut un instant clair de joie car elle savait qu'elle avait la plus belle voix sur terre et sous l'onde.
Mais très vite elle se reprit à penser au monde au-dessus d'elle, elle ne pouvait oublier le beau prince ni son propre chagrin de ne pas avoir comme lui une me immortelle. C'est pourquoi elle se glissa hors du chteau de son père et, tandis que là tout tait chants et gaiet, elle s'assit, dsespre, dans son petit jardin. Soudain elle entendit le son d'un cor venant vers elle à travers l'eau.
- Il s'embarque sans doute là-haut maintenant, celui que j'aime plus que père et mère, celui vers lequel vont toutes mes penses et dans la main de qui je mettrais tout le bonheur de ma vie. J'oserais tout pour les gagner, lui et une me immortelle. Pendant que mes sœurs dansent dans le chteau de mon père, j'irai chez la sorcière marine, elle m'a toujours fait si peur, mais peut-être pourra-t-elle me conseiller et m'aider!
Alors la petite sirène sortit de son jardin et nagea vers les tourbillons mugissants derrière lesquels habitait la sorcière. Elle n'avait jamais t de ce ct où ne poussait aucune fleur, aucune herbe marine, il n'y avait là rien qu'un fond de sable gris et nu s'tendant jusqu'au gouffre. L'eau y bruissait comme une roue de moulin, tourbillonnait et arrachait tout ce qu'elle pouvait atteindre et l'entranait vers l'abme. Il fallait à la petite traverser tous ces terribles tourbillons pour arriver au quartier où habitait la sorcière, et sur un long trajet il fallait passer au-dessus de vases chaudes et bouillonnantes que la sorcière appelait sa tourbière. Au-delà s'levait sa maison au milieu d'une trange forêt. Les arbres et les buissons taient des polypes, mi-animaux mi-plantes, ils avaient l'air de serpents aux centaines de têtes sorties de terre. Toutes les branches taient des bras, longs et visqueux, aux doigts souples comme des vers et leurs anneaux remuaient de la racine à la pointe. Ils s'enroulaient autour de tout ce qu'ils pouvaient saisir dans la mer et ne lchaient jamais prise.
Debout dans la forêt la petite sirène s'arrêta tout effraye, son cœur battait d'angoisse et elle fut sur le point de s'en retourner, mais elle pensa au prince, à l'me humaine et elle reprit courage. Elle enroula, bien serrs autour de sa tête, ses longs cheveux flottants pour ne pas donner prise aux polypes, croisa ses mains sur sa poitrine et s'lana comme le poisson peut voler à travers l'eau, au milieu des hideux polypes qui tendaient vers elle leurs bras et leurs doigts.
Elle arriva dans la forêt à un espace visqueux où s'battaient de grandes couleuvres d'eau montrant des ventres jauntres, affreux et gras. Au milieu de cette place s'levait une maison construite en ossements humains. La sorcière y tait assise et donnait à manger à un crapaud sur ses lèvres, comme on donne du sucre à un canari.
- Je sais bien ce que tu veux, dit la sorcière, et c'est bien bête de ta part ! Mais ta volont sera faite car elle t'apportera le malheur, ma charmante princesse. Tu voudrais te dbarrasser de ta queue de poisson et avoir à sa place deux moignons pour marcher comme le font les hommes afin que le jeune prince s'prenne de toi, que tu puisses l'avoir, en même temps qu'une me immortelle. A cet instant, la sorcière clata d'un rire si bruyant et si hideux que le crapaud et les couleuvres tombèrent à terre et grouillèrent.
- Tu viens juste au bon moment, ajouta-t-elle, demain matin, au lever du soleil, je n'aurais plus pu t'aider avant une anne entière. Je vais te prparer un breuvage avec lequel tu nageras, avant le lever du jour, jusqu'à la cte et là, assise sur la grève, tu le boiras. Alors ta queue se divisera et se rtrcira jusqu'à devenir ce que les hommes appellent deux jolies jambes, mais cela fait mal, tu souffriras comme si la lame d'une pe te traversait. Tous, en te voyant, diront que tu es la plus ravissante enfant des hommes qu'ils aient jamais vue. Tu garderas ta dmarche aile, nulle danseuse n'aura ta lgèret, mais chaque pas que tu feras sera comme si tu marchais sur un couteau effil qui ferait couler ton sang. Si tu veux souffrir tout cela, je t'aiderai.
- Oui, dit la petite sirène d'une voix tremblante en pensant au prince et à son me immortelle.
- Mais n'oublie pas, dit la sorcière, que lorsque tu auras une apparence humaine, tu ne pourras jamais redevenir sirène, jamais redescendre auprès de tes sœurs dans le palais de ton père. Et si tu ne gagnes pas l'amour du prince au point qu'il oublie pour toi son père et sa mère, qu'il s'attache à toi de toutes ses penses et demande au pasteur d'unir vos mains afin que vous soyez mari et femme, alors tu n'auras jamais une me immortelle. Le lendemain matin du jour où il en pouserait une autre, ton cœur se briserait et tu ne serais plus qu'cume sur la mer.
- Je le veux, dit la petite sirène, ple comme une morte.
- Mais moi, il faut aussi me payer, dit la sorcière, et ce n'est pas peu de chose que je te demande. Tu as la plus jolie voix de toutes ici-bas et tu crois sans doute grce à elle ensorceler ton prince, mais cette voix, il faut me la donner. Le meilleur de ce que tu possèdes, il me le faut pour mon prcieux breuvage ! Moi, j'y mets de mon sang afin qu'il soit coupant comme une lame à deux tranchants.
- Mais si tu prends ma voix, dit la petite sirène, que me restera-t-il ?
- Ta forme ravissante, ta dmarche aile et le langage de tes yeux, c'est assez pour sduire un cœur d'homme. Allons, as-tu djà perdu courage ? Tends ta jolie langue, afin que je la coupe pour me payer et je te donnerai le philtre tout puissant.
- Qu'il en soit ainsi, dit la petite sirène, et la sorcière mit son chaudron sur le feu pour faire cuire la drogue magique.
- La propret est une bonne chose, dit-elle en rcurant le chaudron avec les couleuvres dont elle avait fait un nœud.
Elle s'gratigna le sein et laissa couler son sang pais et noir. La vapeur s'levait en silhouettes tranges, terrifiantes. A chaque instant la sorcière jetait quelque chose dans le chaudron et la mixture se mit à bouillir, on eût cru entendre pleurer un crocodile. Enfin le philtre fut à point, il tait clair comme l'eau la plus pure !
- Voilà, dit la sorcière et elle coupa la langue de la petite sirène. Muette, elle ne pourrait jamais plus ni chanter, ni parler.
- Si les polypes essayent de t'agripper, lorsque tu retourneras à travers la forêt, jette une seule goutte de ce breuvage sur eux et leurs bras et leurs doigts se briseront en mille morceaux.
La petite sirène n'eut pas à le faire, les polypes reculaient effrays en voyant le philtre lumineux qui brillait dans sa main comme une toile. Elle traversa rapidement la forêt, le marais et le courant mugissant. Elle tait devant le palais de son père. Les lumières taient teintes dans la grande salle de bal, tout le monde dormait sûrement, et elle n'osa pas aller auprès des siens maintenant qu'elle tait muette et allait les quitter pour toujours. Il lui sembla que son cœur se brisait de chagrin. Elle se glissa dans le jardin, cueillit une fleur du parterre de chacune de ses sœurs, envoya de ses doigts mille baisers au palais et monta à travers l'eau sombre et bleue de la mer. Le soleil n'tait pas encore lev lorsqu'elle vit le palais du prince et gravit les degrs du magnifique escalier de marbre. La lune brillait merveilleusement claire. La petite sirène but l'pre et brûlante mixture, ce fut comme si une pe à deux tranchants fendait son tendre corps, elle s'vanouit et resta tendue comme morte. Lorsque le soleil resplendit au-dessus des flots, elle revint à elle et ressentit une douleur aigu. Mais devant elle, debout, se tenait le jeune prince, ses yeux noirs fixs si intensment sur elle qu'elle en baissa les siens et vit qu'à la place de sa queue de poisson disparue, elle avait les plus jolies jambes blanches qu'une jeune fille pût avoir. Et comme elle tait tout à fait nue, elle s'enveloppa dans sa longue chevelure.
Le prince demanda qui elle tait, comment elle tait venue là, et elle leva vers lui doucement, mais tristement, ses grands yeux bleus puis qu'elle ne pouvait parler.
Alors il la prit par la main et la conduisit au palais. A chaque pas, comme la sorcière l'en avait prvenue, il lui semblait marcher sur des aiguilles pointues et des couteaux aiguiss, mais elle supportait son mal. Sa main dans la main du prince, elle montait aussi lgère qu'une bulle et lui-même et tous les assistants s'merveillèrent de sa dmarche gracieuse et ondulante.
On lui fit revêtir les plus prcieux vêtements de soie et de mousseline, elle tait au chteau la plus belle, mais elle restait muette. Des esclaves ravissantes, pares de soie et d'or, venaient chanter devant le prince et ses royaux parents. L'une d'elles avait une voix plus belle encore que les autres. Le prince l'applaudissait et lui souriait, alors une tristesse envahit la petite sirène, elle savait qu'elle-même aurait chant encore plus merveilleusement et elle pensait : « Oh! si seulement il savait que pour rester près de lui, j'ai renonc à ma voix à tout jamais ! »
Puis les esclaves commencèrent à excuter au son d'une musique admirable, des danses lgères et gracieuses. Alors la petite sirène, levant ses beaux bras blancs, se dressa sur la pointe des pieds et dansa avec plus de grce qu'aucune autre. Chaque mouvement rvlait davantage le charme de tout son être et ses yeux s'adressaient au cœur plus profondment que le chant des esclaves.
Tous en taient enchants et surtout le prince qui l'appelait sa petite enfant trouve.
Elle continuait à danser et danser mais chaque fois que son pied touchait le sol, C'tait comme si elle avait march sur des couteaux aiguiss. Le prince voulut l'avoir toujours auprès de lui, il lui permit de dormir devant sa porte sur un coussin de velours.
Il lui fit faire un habit d'homme pour qu'elle pût le suivre à cheval. Ils chevauchaient à travers les bois embaums où les branches vertes lui battaient les paules, et les petits oiseaux chantaient dans le frais feuillage. Elle grimpa avec le prince sur les hautes montagnes et quand ses pieds si dlicats saignaient et que les autres s'en apercevaient, elle riait et le suivait là- haut d'où ils admiraient les nuages dfilant au-dessous d'eux comme un vol d'oiseau migrateur partant vers des cieux lointains.
La nuit, au chteau du prince, lorsque les autres dormaient, elle sortait sur le large escalier de marbre et, debout dans l'eau froide, elle rafrachissait ses pieds brûlants. Et puis, elle pensait aux siens, en bas, au fond de la mer.
Une nuit elle vit ses sœurs qui nageaient enlaces, elles chantaient tristement et elle leur fit signe. Ses sœurs la reconnurent et lui dirent combien elle avait fait de peine à tous. Depuis lors, elles lui rendirent visite chaque soir, une fois même la petite sirène aperut au loin sa vieille grand-mère qui depuis bien des annes n'tait monte à travers la mer et même le roi, son père, avec sa couronne sur la tête. Tous deux lui tendaient le bras mais n'osaient s'approcher au- tant que ses sœurs.
De jour en jour, elle devenait plus chère au prince ; il l'aimait comme on aime un gentil enfant tendrement chri, mais en faire une reine ! Il n'en avait pas la moindre ide, et c'est sa femme qu'il fallait qu'elle devnt, sinon elle n'aurait jamais une me immortelle et, au matin qui suivrait le jour de ses noces, elle ne serait plus qu'cume sur la mer.
- Ne m'aimes-tu pas mieux que toutes les autres ? semblaient dire les yeux de la petite sirène quand il la prenait dans ses bras et baisait son beau front.
- Oui, tu m'es la plus chère, disait le prince, car ton cœur est le meilleur, tu m'est la plus dvoue et tu ressembles à une jeune fille une fois aperue, mais que je ne retrouverai sans doute jamais. J'tais sur un vaisseau qui fit naufrage, les vagues me jetèrent sur la cte près d'un temple desservi par quelques jeunes filles ; la plus jeune me trouva sur le rivage et me sauva la vie. Je ne l'ai vue que deux fois et elle est la seule que j'eusse pu aimer d'amour en ce monde, mais toi tu lui ressembles, tu effaces presque son image dans mon me puisqu'elle appartient au temple. C'est ma bonne toile qui t'a envoye à moi. Nous ne nous quitterons jamais.
" Hlas ! il ne sait pas que c'est moi qui ai sauv sa vie ! pensait la petite sirène. Je l'ai port sur les flots jusqu'à la forêt près de laquelle s'lève le temple, puis je me cachais derrière l'cume et regardais si personne ne viendrait. J'ai vu la belle jeune fille qu'il aime plus que moi. "
La petite sirène poussa un profond soupir. Pleurer, elle ne le pouvait pas.
- La jeune fille appartient au lieu saint, elle n'en sortira jamais pour retourner dans le monde, ils ne se rencontreront plus, moi, je suis chez lui, je le vois tous les jours, je le soignerai, je l'adorerai, je lui dvouerai ma vie.
Mais voilà qu'on commence à murmurer que le prince va se marier, qu'il pouse la ravissante jeune fille du roi voisin, que c'est pour cela qu'il arme un vaisseau magnifique ... On dit que le prince va voyager pour voir les Etats du roi voisin, mais c'est plutt pour voir la fille du roi voisin et une grande suite l'accompagnera ... Mais la petite sirène secoue la tête et rit, elle connat les penses du prince bien mieux que tous les autres.
- Je dois partir en voyage, lui avait-il dit. Je dois voir la belle princesse, mes parents l'exigent, mais m'obliger à la ramener ici, en faire mon pouse, cela ils n'y russiront pas, je ne peux pas l'aimer d'amour, elle ne ressemble pas comme toi à la belle jeune fille du temple. Si je devais un jour choisir une pouse ce serait plutt toi, mon enfant trouve qui ne dis rien, mais dont les yeux parlent.
Et il baisait ses lèvres rouges, jouait avec ses longs cheveux et posait sa tête sur son cœur qui se mettait à rêver de bonheur humain et d'une me immortelle.
- Toi, tu n'as sûrement pas peur de la mer, ma petite muette chrie ! lui dit-il lorsqu'ils montèrent à bord du vaisseau qui devait les conduire dans le pays du roi voisin.
Il lui parlait de la mer temptueuse et de la mer calme, des tranges poissons des grandes profondeurs et de ce que les plongeurs y avaient vu. Elle souriait de ce qu'il racontait, ne connaissait-elle pas mieux que quiconque le fond de l'ocan? Dans la nuit, au clair de lune, alors que tous dormaient à bord, sauf le marin au gouvernail, debout près du bastingage elle scrutait l'eau limpide, il lui semblait voir le chteau de son père et, dans les combles, sa vieille grand- mère, couronne d'argent sur la tête, cherchant des yeux à travers les courants la quille du bateau. Puis ses sœurs arrivèrent à la surface, la regardant tristement et tordant leurs mains blanches. Elle leur fit signe, leur sourit, voulut leur dire que tout allait bien, qu'elle tait heureuse, mais un mousse s'approchant, les sœurs replongèrent et le garon demeura persuad que cette blancheur aperue n'tait qu'cume sur l'eau.
Le lendemain matin le vaisseau fit son entre dans le port splendide de la capitale du roi voisin. Les cloches des glises sonnaient, du haut des tours on soufflait dans les trompettes tandis que les soldats sous les drapeaux flottants prsentaient les armes.
Chaque jour il y eut fête; bals et rceptions se succdaient mais la princesse ne paraissait pas encore. On disait qu'elle tait leve au loin, dans un couvent où lui taient enseignes toutes les vertus royales.
Elle vint, enfin !
La petite sirène tait fort impatiente de juger de sa beaut. Il lui fallut reconnatre qu'elle n'avait jamais vu fille plus gracieuse. Sa peau tait douce et ple et derrière les longs cils deux yeux fidèles, d'un bleu sombre, souriaient. C'tait la jeune fille du temple ...
- C'est toi ! dit le prince, je te retrouve - toi qui m'as sauv lorsque je gisais comme mort sur la grève ! Et il serra dans ses bras sa fiance rougissante. Oh ! je suis trop heureux, dit-il à la petite sirène. Voilà que se ralise ce que je n'eusse jamais os esprer. Toi qui m'aimes mieux que tous les autres, tu te rjouiras de mon bonheur.
La petite sirène lui baisait les mains, mais elle sentait son cœur se briser. Ne devait-elle pas mourir au matin qui suivrait les noces ? Mourir et n'être plus qu'cume sur la mer !
Des hrauts parcouraient les rues à cheval proclamant les fianailles. Bientt toutes les cloches des glises sonnèrent, sur tous les autels des huiles parfumes brûlaient dans de prcieux vases d'argent, les prêtres balancèrent les encensoirs et les poux se tendirent la main et reurent la bndiction de l'vêque.
La petite sirène, vêtue de soie et d'or, tenait la trane de la marie mais elle n'entendait pas la musique sacre, ses yeux ne voyaient pas la crmonie sainte, elle pensait à la nuit de sa mort, à tout ce qu'elle avait perdu en ce monde.
Le soir même les poux s'embarquèrent aux salves des canons, sous les drapeaux flottants.
Au milieu du pont, une tente d'or et de pourpre avait t dresse, garnie de coussins moelleux où les poux reposeraient dans le calme et la fracheur de la nuit.
Les voiles se gonflèrent au vent et le bateau glissa sans effort et sans presque se balancer sur la mer limpide. La nuit venue on alluma des lumières de toutes les couleurs et les marins se mirent à danser.
La petite sirène pensait au soir où, pour la première fois, elle avait merg de la mer et avait aperu le même faste et la même joie. Elle se jeta dans le tourbillon de la danse, ondulant comme ondule un cygne pourchass et tout le monde l'acclamait et l'admirait : elle n'avait jamais dans si divinement. Si des lames aigus transperaient ses pieds dlicats, elle ne les sentait même pas, son cœur tait meurtri d'une bien plus grande douleur. Elle savait qu'elle le voyait pour la dernière fois, lui, pour lequel elle avait abandonn les siens et son foyer, perdu sa voix exquise et souffert chaque jour d'indicibles tourments, sans qu'il en eût connaissance. C'tait la dernière nuit où elle respirait le même air que lui, la dernière fois qu'elle pouvait admirer cette mer profonde, ce ciel plein d'toiles.
La nuit ternelle, sans pense et sans rêve, l'attendait, elle qui n'avait pas d'me et n'en pouvait esprer.
Sur le navire tout fut plaisir et rjouissance jusque bien avant dans la nuit. Elle dansait et riait mais la pense de la mort tait dans son cœur. Le prince embrassait son exquise pouse qui caressait les cheveux noirs de son poux, puis la tenant à son bras il l'amena se reposer sous la tente splendide.
Alors, tout fut silence et calme sur le navire. Seul veillait l'homme à la barre. La petite sirène appuya ses bras sur le bastingage et chercha à l'orient la première lueur rose de l'aurore, le premier rayon du soleil qui allait la tuer.
Soudain elle vit ses sœurs apparatre au-dessus de la mer. Elles taient ples comme elle-même, leurs longs cheveux ne flottaient plus au vent, on les avait coups.
- Nous les avons sacrifis chez la sorcière pour qu'elle nous aide, pour que tu ne meures pas cette nuit. Elle nous a donn un couteau. Le voici. Regarde comme il est aiguis ... Avant que le jour ne se lève, il faut que tu le plonges dans le cœur du prince et lorsque son sang tout chaud tombera sur tes pieds, ils se runiront en une queue de poisson et tu redeviendras sirène. Tu pourras descendre sous l'eau jusque chez nous et vivre trois cents ans avant de devenir un peu d'cume sale. Hte-toi ! L'un de vous deux doit mourir avant l'aurore. Notre vieille grand-mère a tant de chagrin qu'elle a, comme nous, laiss couper ses cheveux blancs par les ciseaux de la sorcière. Tue le prince, et reviens-nous. Hte-toi ! Ne vois-tu pas djà cette trane rose à l'horizon ? Dans quelques minutes le soleil se lèvera et il te faudra mourir.
Un soupir trange monta à leurs lèvres et elles s'enfoncèrent dans les vagues. La petite sirène carta le rideau de pourpre de la tente, elle vit la douce pouse dormant la tête appuye sur l'paule du prince. Alors elle se pencha et posa un baiser sur le beau front du jeune homme. Son regard chercha le ciel de plus en plus envahi par l'aurore, puis le poignard pointu, puis à nouveau le prince, lequel, dans son sommeil, murmurait le nom de son pouse qui occupait seule ses penses, et le couteau trembla dans sa main. Alors, tout à coup, elle le lana au loin dans les vagues qui rougirent à l'endroit où il toucha les flots comme si des gouttes de sang jaillissaient à la surface. Une dernière fois, les yeux voils, elle contempla le prince et se jeta dans la mer où elle sentit son corps se dissoudre en cume.
Maintenant le soleil surgissait majestueusement de la mer. Ses rayons tombaient doux et chauds sur l'cume glace et la petite sirène ne sentait pas la mort. Elle voyait le clair soleil et, au-dessus d'elle, planaient des centaines de charmants êtres transparents. A travers eux, elle apercevait les voiles blanches du navire, les nuages roses du ciel, leurs voix taient mlodieuses, mais si immatrielles qu'aucune oreille terrestre ne pouvait les capter, pas plus qu'aucun regard humain ne pouvait les voir. Sans ailes, elles flottaient par leur seule lgèret à travers l'espace. La petite sirène sentit qu'elle avait un corps comme le leur, qui s'levait de plus en plus haut au-dessus de l'cume.
- Où vais-je ? demanda-t-elle. Et sa voix, comme celle des autres êtres, tait si immatrielle qu'aucune musique humaine ne peut l'exprimer.
- Chez les filles de l'air, rpondirent-elles. Une sirène n'a pas d'me immortelle, ne peut jamais en avoir, à moins de gagner l'amour d'un homme. C'est d'une volont trangère que dpend son existence ternelle. Les filles de l'air n'ont pas non plus d'me immortelle, mais elles peuvent, par leurs bonnes actions, s'en crer une. Nous nous envolons vers les pays chauds où les effluves de la peste tuent les hommes, nous y soufflons la fracheur. Nous rpandons le parfum des fleurs dans l'atmosphère et leur arme porte le rconfort et la gurison. Lorsque durant trois cents ans nous nous sommes efforces de faire le bien, tout le bien que nous pouvons, nous obtenons une me immortelle et prenons part à l'ternelle flicit des hommes. Toi, pauvre petite sirène, tu as de tout cœur cherch le bien comme nous, tu as souffert et support de souffrir, tu t'es hausse jusqu'au monde des esprits de l'air, maintenant tu peux toi-même, par tes bonnes actions, te crer une me immortelle dans trois cents ans.Alors, la petite sirène leva ses bras transparents vers le soleil de Dieu et, pour la première fois, des larmes montèrent à ses yeux.
Sur le bateau, la vie et le bruit avaient repris, elle vit le prince et sa belle pouse la chercher de tous cts, elle les vit fixer tristement leurs regards sur l'cume dansante , comme s'ils avaient devin qu'elle s'tait prcipite dans les vagues. Invisible elle baisa le front de l'poux, lui sourit et avec les autres filles de l'air elle monta vers les nuages roses qui voguaient dans l'air.
- Dans trois cents ans, nous entrerons ainsi au royaume de Dieu.
- Nous pouvons même y entrer avant, murmura l'une d'elles. Invisibles nous pntrons dans les maisons des hommes où il y a des enfants et, chaque fois que nous trouvons un enfant sage, qui donne de la joie à ses parents et mrite leur amour, Dieu raccourcit notre temps d'preuve.
Lorsque nous voltigeons à travers la chambre et que de bonheur nous sourions, l'enfant ne sait pas qu'un an nous est soustrait sur les trois cents, mais si nous trouvons un enfant cruel et mchant, il nous faut pleurer de chagrin et chaque larme ajoute une journe à notre temps d'preuve. 

 
Fuss.
 
ra
 
csak hogy tudjam mennyien vagytok.. :)
Induls: 2004-08-07
 
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