Le Compagnon de Route.
2006.03.16. 21:15
Le pauvre Johannès tait très triste, son père tait très malade et rien ne pouvait le sauver. Ils taient seuls tous les deux dans la petite chambre, la lampe, sur la table, allait s'teindre, il tait tard dans la soire. - Tu as t un bon fils ! dit le malade, Notre-Seigneur t'aidera sûrement à faire ta vie. Il le regarda de ses yeux graves et doux, respira profondment et mourut : on aurait dit qu'il dormait. Mais Johannès pleurait, il n'avait plus personne au monde maintenant, ni père, ni mère, ni sœur, ni frère. Pauvre Johannès ! Agenouill près du lit, il baisait la main de son père, pleurait encore amèrement mais à la fin ses yeux se fermèrent et il s'endormit la tête contre le dur bois du lit. Alors il fit un rêve trange, il voyait le soleil et la lune s'incliner devant lui et il voyait son père, frais et plein de sant, il l'entendait rire comme il avait toujours ri quand il tait de très bonne humeur. Une ravissante jeune fille portant une couronne sur ses beaux cheveux longs lui tendait la main et son père lui disait : - Tu vois, Johannès, voici ta fiance, elle est la plus charmante du monde. Il s'veilla et toutes ces beauts avaient disparu, son père gisait mort et glac dans le lit, personne n'tait auprès d'eux, pauvre Johannès ! La semaine suivante le père fut enterr. Johannès suivait le cercueil, il ne pourrait plus jamais voir ce bon père qui l'aimait tant, il entendait les pelletes de terre tomber sur la bière dont il n'apercevait plus qu'un dernier coin, à la pellete suivante elle avait entièrement disparu, il lui sembla que son cœur allait se briser tant il avait de chagrin. Autour de lui on chantait un cantique si beau que les yeux de Johannès se mouillèrent encore de larmes. Il pleura et cela lui fit du bien. Le soleil brillait sur les arbres verdoyants comme s'il voulait lui dire : - Ne sois pas si triste, Johannès, vois comme le ciel bleu est beau, c'est là-haut qu'est ton père et il prie le Bon Dieu que tout aille toujours bien pour toi. « Je serai toujours bon ! pensa Johannès, afin de monter au ciel auprès de mon père, quelle joie ce sera de nous revoir. Johannès se reprsentait cette flicit si nettement qu'il en souriait. Dans les marronniers les oiseaux gazouillaient. Quiqui ! Quiqui ! Ils taient gais quoique ayant assist à l'enterrement parce qu'ils savaient bien que le mort tait maintenant là-haut dans le ciel, qu'il avait des ailes bien plus belles et plus grandes que les leurs et qu'il tait un bienheureux pour avoir toujours vcu dans le bien - et les petits oiseaux s'en rjouissaient. Johannès les vit quitter les arbres à tire-d'aile et s'en aller dans le vaste monde, il eut une grande envie de s'envoler avec eux. Mais auparavant il tailla une grande croix de bois pour la placer sur la tombe et quand vers le soir il l'y apporta, la tombe avait t sable et plante de fleurs par des trangers qui avaient voulu marquer ainsi leur attachement à son cher père qui n'tait plus. De bonne heure le lendemain Johannès fit son petit baluchon, cacha dans sa ceinture tout son hritage - une cinquantaine de riksdalers et quelques skillings d'argent - avec cela il voulait parcourir le monde. Mais il se rendit d'abord au cimetière et devant la tombe de son père rcita son Pater et dit : - Au revoir, mon père bien-aim ! Je te promets d'être toujours un homme de devoir, ainsi tu peux prier le Bon Dieu que tout aille bien pour moi. Dans la campagne où marchait Johannès, les fleurs dressaient leurs têtes fraches et gracieuses que la brise caressait. Elles semblaient dire au jeune homme : - Sois le bienvenu dans la verdure de la campagne. N'est-ce pas joli, ici ? Sur la route, Johannès se retourna pour voir encore une fois la vieille glise où, petit enfant, il avait t baptis, où chaque dimanche avec son père il avait chant des psaumes et alors, tout en haut dans les ajours du clocher, il aperut le petit gnie de l'glise coiff de son bonnet rouge pointu. Il s'abritait les yeux du soleil avec son bras repli. Johannès lui fit un signe d'adieu et le petit gnie agita son bonnet rouge, mit la main sur son cœur et lui envoya de ses doigts mille baisers. Johannès, tout en marchant, songeait à ce qu'il allait voir dans le monde vaste et magnifique. Il ne connaissait pas les villes qu'il traversait, ni les gens qu'il rencontrait, il tait vraiment parmi des trangers. La première nuit, il dut se coucher pour dormir dans une meule de foin mais il trouva cela charmant, le roi lui-même n'aurait pu être mieux log. Le champ avec le ruisseau et la meule de foin sous le bleu du ciel, n'tait-ce pas là une très jolie chambre à coucher ? Le gazon vert constell de petites fleurs rouges et blanches en tait le tapis, et comme cuvette il avait toute l'eau frache et cristalline du ruisseau où les roseaux ondulants lui disaient bonjour et bonsoir. La lune tait une grande veilleuse suspendue dans l'air bleu et qui ne mettait pas le feu aux rideaux. Johannès pouvait dormir bien tranquille et c'est ce qu'il fit : il ne s'veilla qu'au lever du soleil, lorsque les petits oiseaux tout autour se mirent à chanter : « Bonjour, bonjour, comment, tu n'es pas encore lev!» Les cloches appelaient à l'glise, c'tait dimanche, les gens allaient entendre le prêtre et Johannès y alla avec eux chanter un cantique et entendre la parole de Dieu. Il se crut dans sa propre glise où il avait t baptis et avait chant avec son père. Au cimetière il y avait tant de tombes ! sur certaines poussaient de mauvaises herbes djà hautes, il pensa à celle de son père qui viendrait à leur ressembler maintenant qu'il n'tait plus là pour la sarcler et la garnir de fleurs. Alors il se baissa, arracha les mauvaises herbes, releva les croix de bois renverses, remit en place les couronnes que le vent avait fait tomber, il pensait que quelqu'un ferait cela pour la tombe de son père. Devant le cimetière se tenait un vieux mendiant appuy sur sa bquille, il lui donna ses petites pièces d'argent, puis repartit heureux et content. Vers le soir, le temps devint mauvais, Johannès se htait pour se mettre à l'abri mais bientt il fit nuit noire. Enfin il parvint à une petite glise tout à fait isole sur une hauteur. Heureusement la porte tait entrebille. «Je vais m'asseoir dans un coin, pensa-t-il, je suis fatigu et j'ai bien besoin de me reposer un peu. » Il s'assit, joignit les mains pour faire sa prière et bientt s'endormit et fit un rêve tandis que l'orage grondait au-dehors, que les clairs luisaient. A son rveil, au milieu de la nuit, l'orage tait pass et la lune brillait à travers les fenêtres. Au milieu de l'glise il y avait à terre une bière ouverte où tait couch un mort qui n'tait pas encore enterr. Johannès n'avait pas peur ayant bonne conscience, il savait bien que les morts ne font aucun mal, ce sont les vivants, s'ils sont mchants, qui font le mal. Et justement deux mauvais garons bien vivants se tenaient près du mort qui attendait là dans l'glise d'être enseveli, ces deux-là lui voulaient du mal, ils voulaient le jeter hors de l'glise. - Pourquoi faire cela ? dit Johannès, c'est bas et mchant, laissez-le dormir en paix au nom du Christ. - Tu parles ! rpondirent les deux autres. Il nous a rouls, il nous devait de l'argent, il n'a pas pu payer et, par-dessus le march, il est mort et nous n'aurons pas un sou. On va se venger, il attendra comme un chien à la porte de l'glise. - Je n'ai que cinquante riksdalers, dit Johannès, c'est tout mon hritage, mais je vous les donnerai volontiers si vous me promettez sur l'honneur de laisser ce pauvre mort en paix. Je me dbrouillerai bien sans cet argent, je suis sain et vigoureux, le Bon Dieu me viendra en aide. - Bien, dirent les deux voyous, si tu veux payer sa dette nous ne lui ferons rien, tu peux y compter. Ils empochèrent l'argent de Johannès, riant à grands clats de sa bont naïve et s'en furent. Johannès replaa le corps dans la bière, lui joignit les mains, dit adieu et s'engagea satisfait dans la grande forêt. Tout autour de lui, là où la lune brillait à travers les arbres, il voyait de ravissants petits elfes jouer gaiement. Certains d'entre eux n'taient pas plus grands qu'un doigt, leurs longs cheveux blonds relevs par des peignes d'or, ils se balanaient deux par deux sur les grosses gouttes d'eau que portaient les feuilles et l'herbe haute. Ce qu'ils s'amusaient ! ils chantaient et Johannès reconnaissait tous les jolis airs qu'il avait chants enfant. De grandes araignes bigarres, une couronne d'argent sur la tête, tissaient d'un buisson à l'autre des ponts suspendus et des palais qui, sous la fine rose, semblaient faits de cristal scintillant dans le clair de lune. Le jeu dura jusqu'au lever du jour. Alors, les petits elfes se glissèrent dans les fleurs en boutons et le vent emporta les ponts et les bateaux qui volèrent en l'air comme de grandes toiles d'araignes. Johannès tait sorti du bois quand une forte voix d'homme cria derrière lui : - Holà! camarade, où ton voyage te mène-t-il ? - Dans le monde ! rpondit Johannès. Je n'ai ni père ni mère. Je suis un pauvre gars, mais le Seigneur me viendra en aide. - Moi aussi je veux voir le monde ! dit l'tranger, faisons route ensemble. - a va ! dit Johannès. Et les voilà partis. Très vite ils se prirent en amiti car ils taient de braves garons tous les deux. Mais Johannès s'aperut que l'tranger tait bien plus malin que lui-même, il avait presque fait le tour du monde et savait parler de tout. Le soleil tait djà haut lorsqu'ils s'assirent sous un grand arbre pour djeuner. A ce moment, vint à passer une vieille femme. Oh ! qu'elle tait vieille ! Elle marchait toute courbe, s'appuyait sur sa canne et portait sur le dos un fagot ramass dans le bois. Dans son tablier relev Johannès aperut trois grandes verges faites de fougères et de petites branches de saule qui en dpassaient. Lorsqu'elle fut tout près d'eux, le pied lui manqua, elle tomba et poussa un grand cri. Elle s'tait cass la jambe, la pauvre vieille. Johannès voulait tout de suite la porter chez elle, aid de son compagnon, mais celui-ci ouvrant son sac à dos, en sortit un pot et dclara qu'il avait là un onguent qui gurirait sa jambe en moins de rien. Mais en change il demandait qu'elle leur fasse cadeau des trois verges qu'elle avait dans son tablier. - C'est cher pay ! dit la vieille en hochant la tête d'un air bizarre. Elle ne tenait pas du tout à se sparer des trois verges mais il n'tait pas non plus agrable d'être là par terre, la jambe brise. Elle lui donna donc les trois verges et dès qu'il lui eut frott la jambe avec l'onguent, la vieille se mit debout et marcha, elle tait même bien plus leste qu'avant. - Que veux-tu faire de ces verges ? demanda Johannès à son compagnon. - a fera trois jolies plantes en pots, rpondit-il ; elles me plaisent. Ils marchèrent encore un bon bout de chemin. - Comme le temps se couvre, dit Johannès en montrant du doigt les pais nuages. C'est inquitant. - Mais non, dit le compagnon de voyage, ce ne sont pas des nuages mais d'admirables montagnes très hautes, où l'on arrive très au-dessus des nuages, dans l'air le plus pur et le plus frais. Un paysage de toute beaut, tu peux m'en croire ! Demain nous y atteindrons sans doute. Ce n'tait pas aussi près qu'il y paraissait, ils marchèrent une journe entière avant d'arriver aux montagnes où les sombres forêts poussaient droit dans l'azur et où il y avait des rocs grands comme un village entier. Ce serait une rude excursion que d'arriver là-haut ; aussi Johannès et son compagnon entrèrent-ils dans une auberge pour s'y bien reposer et rassembler des forces. En bas, dans la grande salle où l'on buvait, il y avait beaucoup de monde, un homme y donnait un spectacle de marionnettes. Il venait d'installer son petit thtre et le public s'tait assis tout autour pour voir la comdie ; au premier rang un gros vieux boucher avait pris place - la meilleure du reste -, son norme bouledogue - oh ! qu'il avait l'air froce - assis à ct de lui ouvrait de grands yeux comme tous les autres spectateurs. La comdie commena. C'tait une histoire tout à fait bien avec un roi et une reine assis sur un trne de velours. De jolies poupes de bois aux yeux de verre et portant la barbe se tenaient près des portes qu'elles ouvraient de temps en temps afin d'arer la salle. C'tait vraiment une jolie comdie, mais à l'instant où la reine se levait et commenait à marcher, le chien fit un bond jusqu'au milieu de la scène, happa la reine par sa fine taille. On entendit : cric ! crac ! C'tait affreux ! Le pauvre directeur de thtre fut tout effray et dsol pour sa reine, la plus ravissante de ses marionnettes, à laquelle le vilain bouledogue avait coup la tête d'un coup de dents. Mais ensuite, tandis que le public s'coulait, le compagnon de voyage de Johannès dclara qu'il pourrait rparer et, sortant son pot, il la graissa avec l'onguent qui avait guri la pauvre vieille femme à la jambe casse. Aussitt graisse, la poupe fut en bon tat, bien plus, elle pouvait remuer elle-même ses membres dlicats - on n'avait nul besoin de tenir sa ficelle -, elle tait semblable à une personne vivante, à la parole près. Le propritaire du thtre tait enchant, il n'avait plus besoin de manœuvrer cette poupe, elle dansait parfaitement toute seule ce dont les autres taient bien incapables. La nuit venue, tout le monde tant couch dans l'auberge, quelqu'un se mit à pousser des soupirs si profonds et pendant si longtemps que tout le monde se releva pour voir qui pouvait bien se plaindre ainsi. L'homme qui avait donn la comdie alla vers son petit thtre d'où provenaient les soupirs. Toutes les marionnettes - le roi, les gardes -, gisaient là, pêle-mêle, et c'taient elles qui soupiraient si lamentablement, dardant leurs gros yeux de verre, elles dsiraient si fort être un peu graisses comme la reine afin de pouvoir remuer toutes seules. La reine mue tomba sur ses petits genoux et levant sa ravissante couronne d'or, supplia : - Prenez-la, au besoin, mais graissez mon mari et les gens de ma cour ! A cette prière, le pauvre propritaire du thtre et de la troupe de marionnettes ne put retenir ses larmes tant il avait de la peine, il promit au compagnon de route de lui donner toute la recette du lendemain soir s'il voulait seulement graisser quatre ou cinq de ses plus belles poupes. Le compagnon cependant affirma ne rien demander si ce n'est le grand sabre que l'autre portait à son ct et dès qu'il l'eut obtenu, il graissa six poupes, lesquelles se mirent aussitt à danser et cela avec tant de grce que toutes les jeunes filles, les vivantes, qui les regardaient, se mirent à danser aussi. Le cocher dansait avec la cuisinière, le valet avec la femme de chambre, et la pelle à feu avec la pincette, mais ces deux dernières s'croulèrent dès le premier saut. Quelle joyeuse nuit ! Le lendemain Johannès partit avec son camarade. Quittant toute la compagnie, ils grimpèrent sur les montagnes et traversèrent les grandes forêts de sapins. Ils montèrent si haut qu'à la fin les clochers d'glises au-dessous d'eux semblaient de petites baies rouges perdues dans la verdure et la vue s'tendait loin. Johannès n'avait encore jamais vu d'un coup une si grande et si belle tendue de merveilles de ce monde, le soleil brillait et rchauffait dans la fracheur de l'air bleu, le son des cors de chasse à travers les monts tait si beau que des larmes d'heureuse motion montaient à ses yeux et qu'il ne pouvait que rpter : - Notre-Seigneur misricordieux, je voudrais t'embrasser. Toi si bon pour nous tous qui nous fais don de tout ce bonheur et de ces dlices ! Le camarade, debout, joignait aussi les mains, admirant les forêts et les villes. A cet instant, ils entendirent une musique exquise et trange et, levant les yeux, ils virent un grand cygne blanc planant dans l'air. Il tait si beau et chantait comme ils n'avaient encore jamais entendu chanter un oiseau mais il s'affaiblissait de plus en plus, il pencha sa tête et vint tomber mort à leurs pieds. - Deux ailes magnifiques, dit le compagnon de route, si blanches et si grandes, cela vaut de l'argent, je vais les emporter. Il trancha d'un coup les deux ailes du cygne mort, il voulait les conserver. Leur voyage les mena encore des lieues et des lieues par-dessus les montagnes, enfin ils virent devant eux une grande ville aux cent tours qui tincelaient comme de l'argent sous les rayons du soleil. Au centre de la ville s'levait un magnifique palais de marbre, à la toiture d'or rouge. Là vivait le roi. Johannès et son camarade s'arrêtèrent hors des portes à une auberge pour faire un brin de toilette et avoir bonne apparence en arrivant dans les rues. L'htelier leur raconta que le roi tait un brave homme mais que sa fille tait une très mchante princesse. Belle, elle l'tait certainement, mais à quoi bon puisqu'elle tait si mauvaise, une vritable sorcière responsable de la mort de tant de beaux princes. Elle avait donn permission à tout le monde de prtendre à sa main. Chacun pouvait venir, prince ou gueux, qu'importe ! Mais il leur fallait rpondre à trois questions qu'elle posait. Celui qui donnerait la bonne rponse deviendrait son poux et il rgnerait sur le pays après la mort de son père, mais celui qui ne rpondrait pas tait pendu ou avait la tête tranche. Son père, le roi, en tait profondment afflig, mais il ne pouvait lui dfendre d'être si mauvaise car il avait dit une fois pour toutes qu'il n'aurait jamais rien à faire avec ses prtendants et qu'elle pouvait, à ce sujet, agir à sa guise. Chaque fois que venait un prince qui briguait la main de la princesse, il ne russissait jamais et il tait pendu ou avait la tête tranche quoiqu'on l'eût averti à temps et qu'il eût pu renoncer à sa demande. Le vieux roi tait si malheureux de toute cette dsolation qu'il restait, tous les ans, une journe entière à genoux avec tous ses soldats, à prier pour que la princesse devint bonne, mais elle ne changeait en rien. Les vieilles femmes qui buvaient de l'eau-de-vie la coloraient en noir avant de boire pour marquer ainsi leur deuil ... elles ne pouvaient faire davantage. - Quelle vilaine princesse ! dit Johannès, elle mriterait d'être fouette, cela lui ferait du bien. Si j'tais le vieux roi elle en verrait de belles. A cet instant, on entendit le peuple crier : « Hourra ! » La princesse passait et elle tait si parfaitement belle que tous oubliaient sa mchancet et l'acclamaient. Douze ravissantes demoiselles vêtues de robes de soie blanche, montes sur des chevaux d'un noir de jais, l'accompagnaient. La princesse elle-même avait un cheval tout blanc par de diamants et de rubis, son costume d'amazone tait tiss d'or pur et la cravache qu'elle tenait à la main tait comme un rayon de soleil. Le cercle d'or de sa couronne semblait serti de petites toiles du ciel et sa cape cousue de milliers d'ailes de papillons. Lorsque Johannès l'aperut, son visage devint rouge comme un sang qui coule, il put à peine articuler un mot. La princesse ressemblait exactement à cette adorable jeune fille couronne d'or dont il avait rêv la nuit de la mort de son père. Il la trouvait si belle qu'il ne put se dfendre de l'aimer. Il pensait qu'il n'tait certainement pas vrai qu'elle pût être une mchante sorcière faisant pendre ou dcapiter les gens s'ils ne devinaient pas l'nigme. - Chacun a le droit de prtendre à sa main, même le plus pauvre des gueux, moi je monterai au chteau, c'est plus fort que moi. Tout le monde lui dconseilla de le faire. Le compagnon de route l'en dtourna galement mais Johannès tait d'avis que tout irait bien, il brossa ses chaussures et son habit, lava son visage et ses mains, peigna avec soin ses beaux cheveux blonds et partit tout seul vers la ville pour monter au chteau. - Entrez, dit le vieux roi lorsque Johannès frappa à la porte. Le jeune homme ouvrit et le vieux roi, en robe de chambre et pantoufles brodes, vint à sa rencontre, couronne d'or sur la tête, sceptre dans une main et pomme d'or dans l'autre. - Attendez ! fit-il prenant la pomme d'or sous le bras pour pouvoir tendre la main. Mais quand il eut appris que c'tait encore un prtendant, il se mit à pleurer si fort que le sceptre et la pomme roulèrent à terre, il dut s'essuyer les yeux. - Renonce, disait-il, a tournera mal pour toi comme pour tous les autres. Viens voir ici. Il conduisit le jeune homme dans le jardin de la princesse, absolument terrifiant. Dans les branches des arbres pendaient trois, quatre fils de rois qui avaient sollicit la main de la princesse mais n'avaient pu rsoudre l'nigme qu'elle leur proposait. Chaque fois que le vent soufflait, leurs squelettes s'entrechoquaient et les petits oiseaux pouvants n'osaient plus venir là, des ossements humains servaient de tuteurs pour les fleurs et, dans tous les pots, grimaaient des têtes de morts. Quel jardin pour une princesse ! - Tu vois, dit le vieux roi, il en ira de toi comme des autres, maintenant que tu sais, abandonne ! Tu me rends vraiment malheureux, tout ceci me fend le cœur. Johannès baisa la main du vieux roi affirmant que tout irait bien puisqu'il tait si amoureux de la ravissante princesse. A ce moment, la princesse à cheval, suivie de ses dames d'honneur, entra dans la cour du chteau. Ils allèrent donc au-devant d'elle pour la saluer. Charmante, elle tendit la main au jeune homme qui l'en aima encore davantage. Bien sûr il tait impossible qu'elle fût une sorcière vilaine et mchante ce dont tout le monde l'accusait. Ils montèrent dans le grand salon, de petits pages offrirent des confitures et des croquignoles, mais le vieux roi tait si triste qu'il ne pouvait rien manger. Il fut alors dcid que Johannès monterait au chteau le lendemain matin, les juges et tout le conseil y sigeraient et entendraient comment il se tirerait de l'preuve. S'il en triomphait, il lui faudrait revenir deux fois, mais personne encore n'avait donn de rponse à la première question, c'est pourquoi ils avaient tous perdu la vie. Johannès n'tait nullement inquiet de ce qu'il lui arriverait, il tait au contraire joyeux, ne pensait qu'à la belle princesse et demeurait convaincu que le bon Dieu l'aiderait. Comment ? Il n'en avait aucune ide et, de plus, ne voulait pas y penser. Il dansait tout au long de la route en retournant à l'auberge où l'attendait son camarade. Là, il ne tarit pas sur la faon charmante dont la princesse l'avait reu et sur sa beaut. Il avait hte d'être au lendemain, de monter au chteau, de tenter sa chance. Mais son camarade hochait la tête tout triste. - J'ai tant d'amiti pour toi, disait-il, nous aurions pu rester ensemble longtemps encore et il me faut djà te perdre. Pauvre cher garon. J'ai envie de pleurer mais je ne veux pas troubler ta joie en cette dernière soire qui nous reste. Soyons gais, très gais, demain quand tu seras parti, je pourrai pleurer. Dans la ville, le peuple avait très vite appris qu'il y avait un nouveau prtendant et il y rgnait une grande dsolation. Le thtre tait ferm, dans les ptisseries on avait nou un crêpe noir autour des petits cochons en sucre, le roi et les prêtres taient à genoux dans l'glise. Le soir, le compagnon de route prpara un grand bol de punch et dit à son ami que maintenant il fallait être très gai et boire à la sant de la princesse. Quand Johannès eut bu les deux verres de punch, il fut pris d'un grand sommeil. Son camarade le prit doucement sur sa chaise et le porta au lit, puis il prit les grandes ailes qu'il avait coupes au cygne, les fixa fermement à ses paules, mit dans sa poche la plus grande des verges que lui avait donnes la vieille femme à la jambe casse, ouvrit la fenêtre et s'envola par-dessus la ville, tout droit au chteau. Le silence rgnait sur la ville. Quand l'horloge sonna minuit moins le quart, la fenêtre s'ouvrit et la princesse s'envola en grande cape blanche avec de longues ailes noires par-dessus la ville, vers une haute montagne. Le camarade de route se rendit invisible de sorte qu'elle ne pouvait pas du tout le voir, il vola derrière elle et la fouetta jusqu'au sang tout au long de la route. Quelle course à travers les airs ! Le vent s'engouffrait dans sa cape qui s'talait de tous cts. - Quelle grêle ! Quelle grêle ! soupirait la princesse à chaque coup de fouet qu'elle recevait. Mais c'tait bien fait pour elle. Elle atteignit enfin la montagne et frappa. Un roulement de tonnerre se fit entendre quand la montagne s'ouvrit et la princesse entra suivie du compagnon que personne ne pouvait voir puisqu'il tait invisible. Ils traversèrent un long corridor aux murs tincelant trangement. C'taient des milliers d'araignes phosphorescentes. Ils arrivèrent ensuite dans une grande salle construite d'argent et d'or, des fleurs rouges et bleues larges comme des tournesols flamboyaient sur les murs, mais on ne pouvait pas les cueillir car leurs tiges taient d'ignobles serpents venimeux et les fleurs du feu sortaient de leurs gueules. Tout le plafond tait tapiss de vers luisants et de chauves-souris bleu de ciel qui battaient de leurs ailes translucides. L'aspect en tait fantastique. Au milieu du parquet un trne tait plac, port par quatre squelettes de chevaux dont les harnais taient faits d'araignes rouge feu. Le trne lui-même tait de verre très blanc, les coussins pour s'y asseoir de petites souris noires se mordant l'une l'autre la queue et, au-dessus un dais de toiles d'araignes roses s'ornait de jolies petites mouches vertes scintillant comme des pierres prcieuses. Un vieux sorcier, couronne d'or sur sa vilaine tête et sceptre en main, tait assis sur le trne. Il baisa la princesse au front, la fit asseoir auprès de lui sur ce siège prcieux, et la musique commena. De grosses sauterelles noires jouaient de la guimbarde et le hibou n'ayant pas de tambour se tapait sur le ventre. Drle de concert ! De tout petits lutins, un feu follet à leur bonnet, dansaient la ronde dans la salle, personne ne pouvait voir le compagnon de route plac derrière le trne qui, lui, voyait et entendait tout. Les courtisans qui entraient maintenant semblaient gens convenables et distingus mais pour celui qui savait regarder, il voyait bien ce qu'ils taient vraiment : des manches à balai surmonts de têtes de choux auxquels la magie avait donn la vie et des vêtements richement brods. Cela n'avait du reste aucune importance, ils taient là pour le dcor. Lorsqu'on eut un peu dans, la princesse raconta au sorcier qu'elle avait un nouveau prtendant. Que devait-elle demander de deviner ? - Ecoute, fit le sorcier, je vais te dire : tu vas prendre quelque chose de très facile, alors il n'en aura pas l'ide. Pense à l'un de tes souliers, il ne devinera jamais, tu lui feras couper la tête, mais n'oublie pas, en revenant demain, de m'apporter ses yeux, je veux les manger. La princesse fit une profonde rvrence et promit de ne pas oublier les yeux. Alors le sorcier ouvrit la montagne et elle s'envola. Mais le compagnon de route suivait et il la fouettait si vigoureusement qu'elle soupirait et se lamentait tout haut sur cette affreuse grêle, elle se dpêcha tant qu'elle put rentrer par la fenêtre dans sa chambre à coucher. Quant au camarade, il vola jusqu'à l'auberge où Johannès dormait encore, dtacha ses ailes et se jeta sur son lit. Johannès s'veilla de bonne heure le lendemain matin, son ami se leva galement et raconta qu'il avait fait la nuit un rêve bien singulier à propos de la princesse et de l'un de ses souliers. C'est pourquoi il le priait instamment de rpondre à la question de la princesse en lui demandant si elle n'avait pas pens à l'un de ses souliers. - Autant a qu'autre chose, fit Johannès. Tu as peut-être rêv juste. En tout cas j'espère toujours que le bon Dieu m'aidera. Je vais tout de même te dire adieu car si je rponds de travers, je ne te reverrai plus jamais. Tous deux s'embrassèrent et Johannès partit à la ville, monta au chteau. La grande salle tait comble. Le vieux roi, debout, s'essuyait les yeux dans un mouchoir blanc. Lorsque la princesse fit son entre, elle tait encore plus belle que la veille et elle salua toute l'assemble si affectueusement, mais à Johannès elle tendit la main en lui disant seulement : « Bonjour, toi ! » Et voilà ! maintenant Johannès devait deviner à quoi elle avait pens. Dieu, comme elle le regardait gentiment !... Mais à l'instant où parvint à son oreille ce seul mot : soulier, elle blêmit et se mit à trembler de tout son corps, cependant, elle n'y pouvait rien, il avait devin juste. Morbleu ! Comme le vieux roi fut content, il fit une culbute, il fallait voir a ! Tout le monde les applaudit. Le camarade de voyage ne se tint pas de joie lorsqu'il apprit que tout avait bien march. Quant à Johannès, il joignit les mains et remercia Dieu qui l'aiderait sûrement encore les deux autres fois. Le lendemain djà il faudrait recommencer une nouvelle preuve. La soire se passa comme la veille. Une fois Johannès endormi, son ami vola derrière la princesse jusqu'à la montagne et la fouetta encore plus fort qu'au premier voyage, car cette fois il avait pris deux verges. Personne ne le vit et il entendit tout. La princesse devait penser à son gant, il raconta donc cela à Johannès comme s'il s'agissait d'un rêve. Le lendemain le jeune homme devina juste encore une fois et la joie fut gnrale au chteau. Tous les courtisans faisaient des culbutes comme ils avaient vu faire le roi la veille, mais la princesse restait tendues sur un sofa, refusant de prononcer une parole. Et maintenant, est-ce que Johannès pourrait deviner juste pour la troisième fois ? Si tout allait bien, il pouserait l'adorable princesse, hriterait du royaume à la mort du vieux roi, mais sinon, il perdrait la vie et le sorcier mangerait ses beaux yeux bleus. Le soir Johannès se mit au lit de bonne heure, il fit sa prière et s'endormit tout tranquille tandis que le compagnon de route fixait les ailes sur son dos, le sabre à son ct, prenait avec lui les trois verges avant de s'envoler vers le chteau. La nuit tait très sombre, la tempête arrachait les tuiles des toits, les arbres dans le jardin où pendaient les squelettes ployaient comme des joncs. La fenêtre s'ouvrit et la princesse s'envola. Elle tait ple comme une morte mais riait au mauvais temps, ne trouvait même pas le vent assez violent, sa cape blanche tournoyait dans l'air, mais le camarade la fouettait de ses trois verges si fort que le sang tombait en gouttes sur la terre et qu'elle n'avait presque plus la force de voler. Enfin elle atteignit la montagne. - Il grêle et il vente, dit-elle, je ne suis jamais sortie dans une pareille tempête. - Des meilleures choses on a parfois de trop, rpondit le sorcier. Elle lui raconta que Johannès avait encore devin juste la deuxième fois, s'il en tait de même demain, il aurait gagn et elle ne pourrait plus jamais venir voir le sorcier dans la montagne, jamais plus russir de ces tours de magie qui lui plaisaient. Elle en tait toute triste et inquiète. - Il ne faut pas qu'il devine, rpliqua le sorcier. Je vais trouver une chose à laquelle il n'aura jamais pens, ou alors il est un magicien plus fort que moi. Mais d'abord soyons gais. Il prit la princesse par les deux mains et la fit virevolter à travers la salle avec tous les petits lutins et les feux follets qui se trouvaient là, les rouges araignes couraient aussi joyeuses le long des murs, les fleurs de feu tincelaient, le hibou battait son tambour, les grillons crissaient et les sauterelles noires soufflaient dans leur guimbarde. a, ce fut un bal diabolique. Lorsqu'ils eurent assez dans, le temps tait venu pour la princesse de rentrer au chteau où l'on pourrait s'apercevoir de son absence, le sorcier voulut l'accompagner afin de rester ensemble jusqu'au bout. Alors ils s'envolèrent à travers l'orage et le compagnon de route usa ses trois verges sur leur dos. Jamais le sorcier n'tait sorti sous une pareille grêle. Devant le chteau, il dit adieu à la princesse et lui murmura tout doucement à l'oreille : « Pense à ma tête », mais le compagnon l'avait entendu et à l'instant où la princesse se glissait par la fenêtre dans sa chambre et que le sorcier s'apprêtait à s'en retourner, il le saisit par sa longue barbe noire et trancha de son sabre sa hideuse tête de sorcier au ras des paules, si bien que le sorcier lui-même n'y vit rien. Il jeta le corps aux poissons dans le lac mais la tête, il la trempa seulement dans l'eau puis la noua dans son grand mouchoir de soie, l'apporta à l'auberge et se coucha. Le lendemain matin, il donna à Johannès le mouchoir, mais le pria de ne pas l'ouvrir avant que la princesse ne demande à quoi elle avait pens. Il y avait foule dans la grande salle du chteau où les gens taient serrs comme radis lis en botte. Le conseil sigeait dans les fauteuils toujours garnis de leurs coussins moelleux, le vieux roi portait des habits neufs, le sceptre et la couronne avaient t astiqus, toute la scène avait grande allure mais la princesse, toute ple, vêtue d'une robe toute noire, semblait aller à un enterrement. - A quoi ai-je pens ? demanda-t-elle à Johannès. Il s'empressa d'ouvrir le mouchoir et recula lui-même très effray en apercevant la hideuse tête du sorcier. Un frmissement courut dans l'assistance. Quant à la princesse, assise immobile comme une statue, elle ne pouvait prononcer une parole. Finalement elle se leva et tendit sa main au jeune homme. Sans regarder à droite ni à gauche, elle soupira faiblement : - Maintenant tu es mon seigneur et matre ! Ce soir nous nous marierons. - Ah ! que je suis content, dit le roi. C'est ainsi que nous ferons. Tout le peuple criait : « Hourra ! » La musique de la garde parcourait les rues, les cloches sonnaient et les marchandes enlevaient le crêpe noir du cou de leurs cochons de sucre puisqu'on tait maintenant tout à la joie. Trois bœufs rtis entiers fourrs de canards et de poulets, furent servis au milieu de la grand-place. Chacun pouvait s'en dcouper un morceau, des fontaines publiques jaillissait, à la place de l'eau, un vin dlicieux, et si l'on achetait un craquelin chez le boulanger, il vous donnait en prime six grands pains mollets. Le soir toute la ville fut illumine, les soldats tirèrent le canon, les gamins faisaient partir des ptards, on but et on mangea, on trinqua et on dansa au chteau. Les nobles seigneurs et les jolies demoiselles dansaient ensemble, on les entendait chanter de très loin : On voit ici tant de belles filles Qui ne demandent qu'à danser Au son de la marche du tambour. Tournez jolies filles, tournez encore Dansez et tapez des pieds Jusqu'à en user vos souliers.
Cependant la princesse tait encore une sorcière, elle n'aimait pas Johannès le moins du monde, le compagnon de route s'en souvint heureusement. Il donna trois plumes de ses ailes de cygne à Johannès avec une petite fiole contenant quelques gouttes et il lui recommanda de faire placer un grand baquet plein d'eau auprès du lit nuptial. Lorsque la princesse voudrait monter dans son lit, il lui conseilla de la pousser un peu pour la faire tomber dans l'eau où il devrait la plonger trois fois, après y avoir jet les trois plumes et les gouttes. Alors elle serait dlivre du sortilège et l'aimerait de tout son cœur. Johannès fit tout ce que le compagnon lui avait conseill. La princesse cria très fort lorsqu'il la plongea sous l'eau: la première fois, elle se dbattait dans ses mains sous la forme d'un grand cygne noir aux yeux tincelants, lorsque pour la deuxième fois il la plongea dans le baquet, elle devint un cygne blanc avec un seul cercle noir autour du cou. Johannès pria Dieu et, pour la troisième fois, il plongea complètement l'oiseau. A l'instant, elle redevint une charmante princesse encore plus belle qu'auparavant. Elle le remercia avec des larmes dans ses beaux yeux de l'avoir dlivre de l'ensorcellement. Le lendemain matin, le vieux roi vint avec toute sa cour et le dfil des flicitations dura toute la journe. En tout dernier s'avana le compagnon de voyage, son bton à la main et son sac au dos. Johannès l'embrassa mille fois, lui demanda instamment de ne pas s'en aller, de rester auprès de lui puisque c'tait à lui qu'il devait tout son bonheur. Le compagnon de route secoua la tête et lui rpondit doucement, avec grande amiti : - Non, non, maintenant mon temps est termin, je n'ai fait que payer ma dette. Te souviens-tu du mort que deux mauvais garons voulaient maltraiter ? Tu leur as donn alors tout ce que tu possdais pour qu'ils le laissent en repos dans sa tombe. Ce mort, c'tait moi. Ayant parl, il disparut. Le mariage dura tout un mois. Johannès et la princesse s'aimaient d'amour tendre, le vieux roi vcut de longs jours heureux, il laissait leurs tout petits enfants monter à cheval sur son genou et même jouer avec le sceptre. Et Johannès rgnait sur tout le pays.
|